PORTRAIT D’ANDRE FRANCOIS MIOT

Accademia Corsa

PORTRAIT D’ANDRE FRANCOIS MIOT

Par Jean Pierre Poli

 

INTRODUCTION

Les arrêtés MIOT sont considérés en Corse comme l’origine d’avantages fiscaux importants et l’auteur de ces textes est présenté comme un administrateur modèle préoccupé quasi uniquement de réduire la pression fiscale des corses.

La majorité des historiens n’hésitent pas à écrire qu’il aurait fait preuve d’une affection particulière pour les corses et qu’il fut leur défenseur face au sanglant oppresseur, le Général MORAND, détenteur à la même époque des pouvoirs militaires en Corse.

Le présent exposé n’a pas pour objet de faire l’analyse technique des arrêtés MIOT, mais de retracer la vie et les responsabilités de cet Administrateur, tant en Corse que sur le continent, en essayant de cerner son caractère, ses motivations idéologiques, sa perception de la Corse et de ses habitants, et découvrir au delà du discours habituel son action en Corse.

La vie de André François MIOT nous est principalement connue grâce à ses mémoires, dont il faut cependant faire une analyse critique car elles sont rédigées sous la Restauration par un membre de l’Institut qui souhaite au terme de sa vie se présenter sous le meilleur jour et justifier ses engagements pendant la Révolution et l’Empire.

Sur la base de cette source indispensable, Louis ORSINI a, dans un ouvrage remarquablement documenté (Les arrêtés MIOT Editions La Marge 1990), décrit sa vie et son action administrative en Corse et notamment les arrêts fiscaux et douaniers.

Cet ouvrage de grande qualité fait cependant preuve d’une grande complaisance vis-à-vis de MIOT, il ne met jamais en doute la sincérité de ses mémoires, et le présente, comme d’autres ouvrages historiques, comme opposé à Morand et n’ayant d’autre préoccupation que de rétablir l’ordre pour permettre par son action administrative d’aider au développement d’une île pauvre, en quelque sorte un amoureux de la Corse soucieux du bien-être de ses habitants.

Francis POMPONI rappelle à juste titre dans le Mémorial des Corses que les arrêtés fiscaux réduisant de moitié les droits d’enregistrement (mais en compensant le manque à gagner par une augmentation des contributions personnelles et mobilières) ont été pris en tenant compte des facultés pécuniaires des habitants de l’Ile mais surtout parce que les Corses avait habilement pris le parti de se soustraire aux droits d’enregistrement par l’établissement d’actes sous seings privés !

AU SERVICE DE L’ETAT ROYAL

André François MIOT est né à VERSAILLES en 1762. Il est le fils et le neveu de commis du Ministère de la Guerre du Roi de France et conformément aux usages de l’époque, il suivra la carrière familiale en essayant de progresser dans l’échelle sociale grâce aux appuis dont il bénéficie dans la fonction publique royale.

Il réussira parfaitement son cursus professionnel puisqu’il deviendra, ce que nous appellerions aujourd’hui un Haut Fonctionnaire: Commissaire des Guerres à 26 ans puis Chef de Section et Chef de Division du Ministère de la Guerre.

Dans le cadre de ses fonctions, il collabore directement avec le Ministre de la Guerre, le Comte de la Tour du Pin et va soutenir ardemment les réformes administratives engagées à la fin du règne de Louis XVI.

Ne faisant pas partie de la noblesse, il estime, comme beaucoup de membres de la Haute Administration Royale, qu’il faut mettre un terme aux privilèges dont bénéficient ces aristocrates hautains devant laquelle les fonctionnaires du Roi doivent, malgré leurs fonctions imminentes, courber l’échine.

AVEC LE POUVOIR REVOLUTIONNAIRE

Après avoir participé activement aux événements de 1789, en assurant notamment des fonctions d’Officier des Gardes Nationaux à VERSAILLES, André François MIOT va, selon ses mémoires, être horrifié par les violences de la Révolution et notamment par le spectacle de « têtes coupées au bout d’une pique ».

Haut fonctionnaire zélé, il n’en continue pas moins son travail de chef de division au Ministère de la Guerre en se pliant aux exigences politiques du nouveau pouvoir.

Il fait partie en 1792 du Club des Feuillants, qui, partisans d’une monarchie constitutionnelle, apparaissent comme des révolutionnaires modérés face aux Jacobins.

Cet engagement fera de lui un suspect pendant le gouvernement du Comité de Salut Public et le conduira à appliquer la politique de terreur du régime de manière d’autant plus rigoureuse qu’il veut faire oublier ses engagements passés.

Il organisera ainsi l’ensemble du déplacement des troupes en Vendée dont il connaît parfaitement l’objectif.

Il n’exprimera d’ailleurs jamais ( même pas dans ses mémoires) aucun remord ni même aucune compassion pour le sort des populations victimes de la répression sanglante des révolutionnaires.

Dans ses mémoires, il indique simplement qu’à l’époque où il organise les déplacements des troupes en Vendée, il reçoit au Ministère de la Guerre Monsieur Chappe, inventeur du télégraphe, dont il perçoit l’intérêt technique pour l’organisation des communications des troupes.

Malgré tout le zèle déployé pour éviter qu’on lui rappelle ses opinions passées, il sent que les menaces se précisent et pour se protéger, il va grâce à l’appui du nouveau Ministre des Affaires Etrangères, rejoindre ce ministère en Juin 1793 pour occuper les fonctions de secrétaire général de cette administration, moins exposée que le Ministère de la Guerre.

A cette époque, il rencontre souvent DANTON, DESMOULINS, mais prétend dans ses mémoires, n’avoir vu qu’une seule fois ROBESPIERRE lors d’un simple dîner.

Il prétend aussi qu’il aurait été dénoncé au Comité de Salut Public Le 8 thermidor An II (juillet 1794) comme modéré et qu’il n’aurait dû son salut qu’à la chute de ROBESPIERRE le 9 thermidor.

Il se forge l’image d’une victime du pouvoir alors qu’il a, notamment en qualité de collaborateur direct du Ministre de la Guerre, participé à l’ensemble des actions répressives du régime révolutionnaire.

Ayant une expérience administrative du haut niveau ( et l’avantage de parler latin, italien, anglais et allemand ) et ayant prouvé son adhésion au nouveau régime dont il partage les orientations politiques, il va être nommé le 8 novembre 1794 Commissaire des Relations Extérieures c’est-à-dire Ministre, par le nouveau Comité de Salut Public composé de révolutionnaires jacobins.

Il cesse ses fonctions le 7 Février 1795, et devient ambassadeur de la République Française auprès du Grand Duc de Toscane, il a 32 ans.

Il reconnaît dans ses mémoires, adhérer totalement à la volonté de la République Française de participer à la chute de l’ensemble des monarchies européennes et surtout, il est intransigeant sur l’élimination des pouvoirs du Pape.

MIOT fait preuve d’un anti-cléricalisme militant même s’il doit se plier, dans le cadre de ses fonctions diplomatiques, à ce qu’il considère comme des simagrées pour ne pas choquer les populations locales. En découvrant la Toscane et ses traditions religieuses, cet homme des lumières jette un regard dédaigneux sur ce qu’il appelle encore dans ses mémoires « des préjugés » et rappelle que sa voiture sera attaqué à coups de pierres à Arezzo par les fidèles de la Papauté.

Homme du nord, il comprend mal les cultures méditerranéennes et leur approche de la religion et s’étonne même dans ses mémoires que les mœurs de ce pays de catholiques pratiquants soit plus libres que celles de Paris et que certaines femmes de Florence puissent être à la fois d’une grande piété et fort galantes.

RENCONTRE AVEC BONAPARTE

Sa présence en Italie va être déterminante pour la suite de sa carrière puisqu’il sera un des premiers hauts fonctionnaires à rencontrer Bonaparte lors de sa campagne victorieuse et qu’il verra rapidement son intérêt d’être proche d’un tel homme.

Avant sa première rencontre avec Bonaparte, MIOT va rencontrer un autre corse d’importance, Christophe SALICETI, qu’il croisera à de nombreuses reprises dans sa vie et pour lequel il conserve une aversion évidente.

Dans ses mémoires il présente un Saliceti préoccupé uniquement à s’enrichir.

En réalité le contact entre le haut fonctionnaire rigoureux, imbu de sa valeur et de ses prérogatives, et cet homme politique brillant, ambitieux et enraciné va être toujours très conflictuel notamment lors de leurs rencontres en Corse, pour des raisons autres que l’appétit financier de Saliceti équivalent à celui de nombreux hommes de la Révolution.

Miot rencontre pour la première fois Bonaparte à Brescia le 7 juin 1796 ; il est impressionné par son caractère déterminé et par la distance qu’il sait garder avec les autres officiers.

Visiblement Bonaparte a compris après quelques rencontre qu’il pouvait compter sur le dévouement de Miot qui s’est lié d’amitié avec Joseph .

Le Directoire demande à Miot, sur proposition de Bonaparte, d’effectuer ce qu’il appelle encore dans ses mémoires « une mission pénible » en Corse afin d’y rétablir l’administration républicaine après le retrait des anglais et le retour des troupes françaises commandées par le Général Gentili .

PREMIERE MISSION DE MIOT EN CORSE

Il embarque à Livourne le 1er décembre 1996 mais n’arrivera à Erbalonga que 11 jours plus tard, à cause de la flotte anglaise.

A son arrivée à Bastia il retrouve SALICETI avec qui il s’oppose sur les nominations des administrateurs départementaux du Golo et du Liamone et des juges dans chaque district Bastia, Ajaccio, Corte, Calvi, Sartene et Vico.

Saliceti connaît tous les notables corses et leur positionnement politique alors que Miot qui est chargé de mettre en place dés le 5 janvier une administration républicaine ne connaît aucun des postulants.

Napoléon avait eu l’habileté de faire désigner pour cette mission un continental lié d’amitié avec Joseph , souhaitant plaire au Général victorieux et de plus hostile à Saliceti.

Ayant sans doute eu des consignes pour choisir des proches des frères BONAPARTE, il nomme:

– Paolo Pompei, Giacinto Arrighi, Vincenzo Giubega, Francesco Biguglia et le médecin Giacomo Filippo Corsi pour le Golo.

– Anton Giovanni Pietri, Conti, Gandolfi, Francesco Leca et Ceccaldi d’Evisa pour le Liamone.

Francesco Ottaviano RENUCCI qui avait été pressenti par SALICETI est écarté par MIOT au profit du Docteur CORSI.

Après avoir dirigé avec le Général Franceschi la répression en Balagne, Miot rejoint Joseph Bonaparte à Ajaccio.

Il quitte la Corse le 21 mars 1797, sa mission de trois mois est relatée dans ses mémoires en dix pages ( sur un total de 1200 )

Les nominations ayant été faites à titre provisoire dans l’attente des élections par les assemblées représentant l’ensemble des cantons, un mois après le départ de Miot furent élus les administrateurs des départements

Les membres de l’Admnistration départementale provisoire du Liamone étant tous élus, contrairement au Golo qui désigne : G. ARRIGHI, F-O RENUCCI, Paolo Felice GRAZIANI, Giuseppe SALVINI et Gian Tomaso CASALE, tous proches de SALICETI.

Pour le Liamone, furent élus membres du Conseil des cinq-cents, Giuseppe BONAPARTE et pour le Conseil des Anciens, Gian Maria CITADELLA de VICO ; pour le Golo : Paolo POMPEI, membre du Conseil des Anciens et Christophe SALICETI et Giuseppe ARENA au Conseil des cinq-cents.

Les élections désignèrent aussi les 20 juges au Tribunal Départemental du Golo parmi les amis de Saliceti notamment Giuseppe Maria GIACOBI, Antonio BIADELLI, Giuseppe Maria ARRIGHI de SPELONCATO, Giuseppe Maria BONACORSI, Matteo PIETRI.

Le seul administrateur provisoire maintenu dans le Golo, Giacinto ARRIGHI de CORTE ayant pour lui d’être familialement proche des Bonaparte puisqu’il est l’époux d’Antonia BENIELLI, cousine germaine de Laetitia BONAPARTE mais aussi proche de Christophe SALICETI politiquement et familialement, ce dernier ayant épousé une de ses nièces, fille de Catherine ARRIGHI et de Jean Thomas BOERIO.

Dès le 17 septembre 1797 au moulin du Stilettu est lancé un soulèvement dans le Liamone et le 22 décembre 1797 la révolte de la Crucetta enflammait de nombreuses pieve du Golo.

Cette première mission de Miot n’a aucune incidence sérieuse sur l’avenir de la Corse et on ne comprend ce qui permet à l’historien Louis Villat d’écrire à propos de cette mission de rétablissement de l’ordre républicain : « là où Saliceti – u compatriottu – a échoué, Miot – u francese – va réussir » !

Miot a simplement été l’instrument du clan Bonaparte qui veut contrer l’influence de Saliceti en Corse et il suffit pour s’en convaincre de lire la lettre de Bonaparte du 13 septembre 1797 indiquant à propos du Liamone: «Ce département se plaint de ce que l’on a ôté les bons patriotes et anciens lieutenants qui remplissaient les places de lieutenants pour y mettre trois cousins du citoyen Saliceti, dont l’un est un jeune homme qui n’a jamais servi (…) Le département du Liamone aime mieux avoir un français du continent employé dans sa garde qu’un corse du département du Golo … »

LE CONSULAT

MIOT est le témoin direct de l’ascension de Bonaparte et il retrouve chez lui son analyse de la situation politique.

Le Général BONAPARTE rappelle-t-il, dans ses mémoires, pense que les idées révolutionnaires sont des « rêveries » tout en apportant son appui tactique au parti le plus extrême du Directoire.

Cette stratégie n’est pas pour déplaire à MIOT qui a su, tout au long de sa carrière, servir la révolution avec zèle (pour sauvegarder son statut) tout en restant avant tout un homme du Marais, favorable à un changement de régime mais soucieux de préserver les privilèges acquis.

MIOT après avoir exercé les fonctions d’ambassadeur à Turin devra rejoindre Paris le 25 Avril 1798, mais son destin est désormais lié à celui de Napoléon.

Pendant les derniers mois du Directoire, MIOT est un Haut Fonctionnaire sans affectation brillante (il est simple chargé de mission auprès de l’ambassadeur de la République Française en Hollande) mais après le 18 Brumaire (novembre 1799), il est nommé Secrétaire Général du Ministère de la Guerre puis membre du Tribunat (une des assemblées législatives).

Il est un intime de Joseph BONAPARTE et a des contacts fréquents avec Napoléon, qui le nomme, le 22 Septembre 1800, Conseiller d’Etat.

A l’époque, le Conseil d’Etat est un organe très proche du pouvoir et le Premier Consul consulte très souvent personnellement les conseillers d’Etat avant de prendre des décisions politiques.

Dès le mois de novembre 1800, BONAPARTE demandera à André François MIOT de retourner en Corse, après y avoir suspendu l’application de la Constitution.

Le texte de Loi qui suspend la constitution en Corse est rédigé par MIOT à la demande du Premier Consul et est voté le 14 décembre 1800, quelques mois avant la condamnation à mort de Joseph ARENA, membre du complot des Républicains contre le Premier Consul.

MIOT indiquera (comme pour son premier séjour) dans ses mémoires : « Aucune mission en pouvait être plus pénible pour moi… ».

MIOT est nommé officiellement Administrateur général des deux départements de Corse par acte consulaire du 11 janvier 1801.

Avant de se rendre en Corse, MIOT a des entretiens avec Napoléon BONAPARTE qui lui donne pour instructions « d’appeler les corses à la civilisation »

L’objectif est, selon Miot, de changer les mentalités par l’amélioration de l’économie de l’île, ce qui nous rappelle bien des propos actuels !

DEUXIEME MISSION EN CORSE

Après avoir embarqué à TOULON puis fait une escale à SAINT TROPEZ, MIOT débarque de l’Hirondelle à CALVI le 25 mars 1801.

Après cinq jours de voyage dans des chemins difficiles, il s’installe à AJACCIO dans la maison des BONAPARTE.

MIOT est arrivé avec sa famille selon la Storia di Corsica écrite par F-O Renucci qui a l’avantage d’avoir vécu ces événements.

Dans sa proclamation du 3 avril 1801 Miot va expliqué en termes choisis pourquoi les régles démocratiques ne peuvent être appliquées aux Corses : « la loi qui suspend chez vous l’empire de la Constitution ( …) est un bienfait réel et non une privation. En effet vos droits civils restent les mêmes ; la véritable liberté, celle qui consiste à faire sans contrainte usage de ses facultés morales et physiques, à jouir dans toutes leur étendue des avantages de la propriété et des produits de l’industrie, cette liberté , le seul but utile du contrat social, vous est aujourd’hui mieux garantie plus assurée qu’au milieu des orages élevés par l’ambition et l’intrigue cachées sous le masque d’un patriotisme exagéré, ou par l’application prématurée de quelques institutions consacrées, il est vrai, par la Constitution qui régit la République Française, mais qui ne peuvent être encore essayés chez vous sans entraîner la dissolution de la société … »

La Corse est toujours en état d’insurrection latente, particulièrement dans les régions de Porto Vecchio, le Fiumorbu et surtout la Balagne qui venaient d’être l’objet d’une dure répression par une colonne de 2.000 hommes commandés par SALICETI qui s’était soldée par plusieurs pendaisons et une contribution sur les habitants des villages de Balagne fixée à 2 Millions de Francs, ce qui constituait une somme énorme.

MIOT va, pour faire entrer la Corse toujours rétive dans le moule français, tout d’abord instituer un Tribunal Criminel Extraordinaire dont le siège est fixé à CORTE, composé de huit juges : le Président de la Cour d’Appel, quatre citoyens « ayant la qualité nécessaire pour être magistrat « et trois militaires ayant au moins le grade de capitaine. Ce Tribunal, comprend un Commissaire du Gouvernement c’est-à-dire un Procureur avec un substitut et un greffier.

Furent nommé en qualité de Président Gian Tomaso BOERIO (beau-père de SALICETI) en sa qualité de Président du Tribunal d’Appel, ainsi que les juges Filippo Giovanni SUZZONI de Cervione, Giacomo Maria PONTE d’Ajaccio, Giuseppe CASTELLI de Calvi, Paolo Felice FERRI-PISANI d’Ajaccio et trois officiers français ( Hamel, Tieffe et Burette). Paolo Luigi STEFANINI de Bastia, conseiller à la Préfecture de Golo, fut nommé Commissaire du Gouvernement.

Bien que composé de fidèle du régime ce Tribunal est encore trop modéré pour MIOT qui décide par arrêté du 29 novembre 1801 : « A compter de ce jour , le nombre de juges du Tribunal criminel extraordinaire des départements du Golo et du Liamone est réduit à cinq (…) les juges et le Commissaire du Gouvernement seront choisis parmi les français nés hors des départements du Golo et du Liamone » Le nouveau siège est fixé à Ajaccio.

Quelle considération pour les Corses !

RENUCCI indique que ce Tribunal jugeant les faits sans respecter les droits de la défense, sans faculté d’appel, ni de recours en Cassation, il semblait plutôt l’oeuvre du despotisme oriental que d’un homme cultivé et né dans un siècle apôtre des droits sacrés de l’humanité (« sembrava piutosto opera del despotismo orientale che di un uomo civile e nato in un secolo propugnatore dei sacri diriti dell’umanita »).

Ce Tribunal va prononcer des peines de mort et MIOT indique dans ses mémoires que « cet exemple salutaire, qui annonçait le retour de la justice légale, eut un heureux effet ».

Furent également institués par MIOT les tribunaux de simple police dans les communes composés du Maire et deux notables choisis par le Conseil Municipal.

MIOT détient la totalité des pouvoirs militaire, administratif et judiciaire et il en use avec la plus grande fermeté, n’hésitant pas comme le rappelle Pierre Antonetti, dans son Histoire de la Corse, à employer les moyens les plus radicaux : maisons brûlées, villages saccagés, exécutions sommaires.

MIOT demandera même le départ du commandant miliaire, le Général MULLER, qu’il ne trouve pas assez ferme à son goût et qui avait osé se faire l’interprète des doléances des corses pour plus de modération.

Dans ses mémoires, il dira du Général MULLER qui commandait la division, que c’était « un brave guerrier mais d’un esprit peu éclairé. Se déclara si ouvertement contre moi, il se porta à de telles inconvenances dans sa conduite que je fus obligé pour sauver l’honneur de mon autorité, de le faire repasser en France ».

L’attitude de MIOT est tellement répressive que le futur cardinal FESCH et le Général Sénateur CASABIANCA se plaignent auprès du Premier Consul de l’attitude de l’Administrateur, peut-être avec quelques arrière-pensées.

Dans ses mémoires, MIOT explique que les principales difficultés de sa mission « devaient naître de l’ascendant que les partisans de la famille du premier consul exerçaient ou voulaient continuer d’exercer. Ils ne voyaient en moi que l’instrument de leur passion, propre uniquement à les débarrasser de leurs ennemis pour concentrer toutes les faveurs sur leurs protégés ».

Miot qui avait servilement appliqué les consignes de Joseph et Napoléon lors de sa première mission semble s’être rendu compte du rôle réel qui lui était assigné par le clan Bonaparte .

MIOT se heurtera aussi à ce que RENUCCI appelle « le silence éloquent du Conseil Général ».

Il se trouvera aussi en face de magistrats corses courageux qui dénoncèrent les excès de sa politique répressive ainsi les membres du Tribunal de première instance de Corte ( Arrighi, Casanova, Mariani, et Santelli) lui écrivent le 31 décembre 1801 : « nous sommes forcés de vous faire connaître que des arrestations et détentions illégales se font de jour en jour par la colonne des éclaireurs en cette commune sur des simples rapports ou dénonciations portés par qui que ce soit au chef de la colonne on a vu arrêté des citoyens avec des mandats d’arrêts informes… »

Bien entendu, les bénéficiaires des faveurs de MIOT le soutiennent, tel le citoyen PANTALACCI de Vivario qui se voit accordé « la somme de cents francs par mois pour l’indemniser en partie des frais et dépenses extraordinaires que lui occasionne le passage des troupes et des autorités civiles envers lesquelles il a constamment rempli les devoirs d’hospitalité avec autant de prévenance que de désintéressement » (arrêté du 5 mai 1801).

De même que les possédants amis du pouvoir pour qui est pris l’arrêté du 1er juin 1801 confirmant leur propriété sur des terrains anciennement collectif : « des communes du canton du Taravo se sont emparées des terrains en possession desquels se trouvaient les citoyens Colonna Istria, Farinacci et Rocca-Serra, sous prétexte de droits qu’elles prétendent avoir sur lesdits terrains …».

Curieusement, tout en constatant la politique de terreur menée par MIOT et se demandant si les mesures fiscales ne furent pas prises pour « mieux faire accepter par les corses les rigueurs de la justice française », Pierre ANTONETTI attribue à MIOT un « caractère débonnaire » en l’opposant au Général MORAND qualifié de « dur et autoritaire » oubliant que la nomination de MORAND était due à la demande de MIOT et qu’il fut son bras armé jusqu’à son départ.

MIOT se félicite en effet de l’arrivée du Général MORAND et de son action, en indiquant que « l’état général du pays était devenu assez satisfaisant pour me rendre un peu de tranquillité. Le général MORAND, que le premier consul avait nommé pour remplacer le Général MULLER, était arrivé et vivait bien avec moi ».

Charles SANTONI précise que MIOT est affilié à la même loge maçonnique que le Général MORAND. Cette loge ajaccienne dont Morand sera le Vénérable est dénommée «La Paix » (sic!).

L’opposition entre un méchant MORAND et un bon MIOT n’est donc qu’une fiction inventée pour faire endosser dans l’histoire officielle, la répression au Général MORAND, personnage que des historiens même farouchement pro-français ne défendent pas et un François André MIOT, incarnation de la bonne administration française, source de tout le bien être en Corse.

Finalement, le Premier Consul mit fin à la mission de MIOT, rétablit la Constitution en Corse le 14 septembre 1802, mais en fait renforça les pouvoirs du Général MORAND, ayant les mêmes objectifs que MIOT, et qui obtient les pleins pouvoirs le 12 janvier 1803

Il faut reconnaître à MIOT d’avoir, par son action d’administrateur civil, permis l’embellissement de la ville d’Ajaccio qui est privilégiée au détriment de Bastia.

La municipalité d’Ajaccio avait été autorisée à vendre les biens communaux pour effectuer des travaux et le bastion du diamant est détruit pendant son administration pour permettre la réalisation de ce qui sera la plus belle place d’Ajaccio. Il y implante une imprimerie officielle et un jardin botanique.

Il lance de grands travaux pour la grande liaison Bastia-Ajaccio par le Col de Vizzavone.

Curieusement dans ses mémoires il ne s’attarde pas sur son action politique mais ce qu’il retiendra surtout c’est son voyage au Monte Rotondo dont il décrit avec émotion le point de vue extraordinaire.

Il admire aussi les lacs de montagne et suit la représentation à Cervione du spectable de la moresca ( qui dure quatre heures) qu’il décrit en détails .

MIOT fait également un voyage au Monte d’Oro d’où il a « un admirable tableau », il y découvre les mouflons.

Comme beaucoup de fonctionnaires continentaux il trouve la Corse merveilleuse, le seul défaut c’est qu’elle soit habité par les corses !

Il reconnaîtra lui-même dans ses mémoires que son action fut peu efficace car même à Ajaccio, la population ne soutient pas le Premier Consul, notamment lors du vote pour la création du consulat à vie. Il indique que la publication de l’Arrêté « n’éveilla en faveur d’un si illustre compatriote aucun enthousiasme à l’exception des fonctionnaires publics dont le vote était obligé. On montra partout peu d’empressement et les registres se remplissaient lentement. Il y eut même un assez grand nombre de votes négatifs ».

Nous sommes loin de la proclamation du 3 avril 1801 qui promettait « un avenir plus heureux et cette époque sera, je n’en doute pas , marquée comme le commencement de cet état de prospérité auquel vous êtes appelés par votre union à la France … »

Tout lecteur corse de ses mémoires s’étonnera de ne pas voir d’allusion aux fameux arrêtés fiscaux, ce qui montre l’importance qu’il y attachait.

MIOT va quitte la Corse sans déplaisir après avoir demandé à plusieurs reprises son retour à Paris et va avouer que pendant sa mission « la civilisation n’y avait fait aucun progrès sensible ».

Les sauvages corses sont visiblement irrécupérables !

Le 14 septembre 1802, il s’embarque à Bastia pour l’Italie.

Dans ses mémoires cette mission est décrite en 39 pages ( dont beaucoup consacrées aux excursions) sur les 1200 des 3 tomes, ce qui relativise l’importance que MIOT lui-même accordait à son action en Corse dans l’ensemble de sa carrière administrative.

Il semblerait que MIOT ait cependant conservé à Paris un rôle consultatif important au sein de l’administration centrale pour les affaires corses.

Dans un courrier daté du 24 avril 1804 Saliceti qui écrit à son cousin par alliance Arrighi (en poste auprès de Massena en Italie) s’inquiète des dernières nominations de magistrats en Corse et indique : « Si Miot ou le Maire Pietri ont dirigé ces choix il faut convenir qu’ils ont rendu un très mauvais service au département du Golo … » ( courrier communiqué par notre ami Charbonnier)

HEUREUX HIERAQUE DU REGIME IMPERIAL

De retour à Paris MIOT a retrouvé sa place auprès de Joseph BONAPARTE en qualité de Membre du Conseil d’Etat ; il est un des rédacteurs du Code Civil et est chargé de nombreuses missions de confiance par le Premier Consul.

Quand l’Empereur décide de diviser la France en quatre parties avec un Conseiller d’Etat à la tête de chacune d’elle en qualité de super préfet, MIOT est chargé de la partie Nord représentant la rive gauche du Rhin.

Si MIOT est un républicain modéré, il reste profondément un opposant au régime monarchique. Toutefois, lui, comme tant d’autre partisan de la révolution, acceptera d’être fait Comte de Melito par Joseph Roi de Naples et portera avec orgueil ce titre jusqu’au terme de sa vie. De même, Il participera activement au soutien de Joseph BONAPARTE dans ses intrigues pour être le mieux placé dans le principe héréditaire rétabli par NAPOLEON.

MIOT s’oppose au retour en grâce des anciennes familles nobles mais rappellera avec fierté que sa femme a été nommée « dame du Palais de la Princesse », femme de Joseph BONAPARTE et participera au sacre de NAPOLEON.

MIOT reste surtout profondément hostile à la papauté et à la religion catholique allant même jusqu’à s’opposer au Concordat décidé par NAPOLEON.

C’est en Corse qu’il apprend la conclusion de la paix avec l’Angleterre et l’adoption du Concordat avec le Saint Siège.

Il écrit dans ses mémoires « le premier événement me cause une joie sans mélange. Il n’en fut pas ainsi du second. Autant la tolérance religieuse et la liberté laissée à chacun d’honorer à sa manière la divinité était un bienfait, autant le renouvellement des anciennes relations avec Rome, la reconnaissance d’un arbitre étranger en matière de foi, et surtout la pompe que le gouvernement avait mis à célébrer ce retour, me semblait alarmant pour les esprits éclairés qui redoutaient comme un des plus grands fléaux qui puissent affliger les peuples, le rappel de la religion et de ses ministres dans l’ordre politique ».

A cette époque où la maçonnerie est globalement anti-papiste, André François MIOT est le conseiller le plus proche de Joseph BONAPARTE, initié à la franc-maçonnerie le 8 octobre 1793, à Marseille, à l’âge de 26 ans, et qui assurera les fonctions de Grand Maître du Grand Orient de France dès 1805.

Après la bataille d’Austerlitz, quand NAPOLEON donnera l’ordre à Joseph BONAPARTE de partir avec MASSENA conquérir le Royaume de NAPLES, MIOT sera à ces côtés.

MINISTRE A NAPLES

Dès l’installation du nouveau Roi, MIOT est nommé Ministre de la Guerre et SALICETI Ministre de la Police, puis après la réunion des Ministères de la Guerre et de la Police sous l’autorité de SALICETI, MIOT est nommé Ministre de l’Intérieur, c’est-à-dire responsable de l’administration de l’ensemble des provinces du Royaume, des travaux publics, de l’instruction et des beaux-arts.

Ce qui lui déplaît profondément c’est de retrouver Christophe SALICETI.

Il déteste tellement Saliceti qu’il ne peut lui trouver (même post mortem) des qualités, ni même une efficacité quelconque. Dans ses mémoires il indique qu’il se serait opposé à la politique de répression sévère du Ministre dans le royaume de Naples (villages brûlés, biens confisqués, exécutions sommaires) alors qu’il avait en Corse employé les mêmes méthodes !

Il est le conseiller intime du Roi JOSEPH et a l’impression de pouvoir réaliser dans ce royaume des idées qui lui sont chères tout en jouissant de la merveille qualité de vie du Sud de l’Italie.

Il s’est notamment assigné pour mission d’établir dans ce nouveau pays une politique de destruction de féodalité et du pouvoir des prêtres.

Sur son initiative le Roi procède à la fermeture de 322 couvents. Le Ministre napolitain des affaires ecclésiastiques ayant prévu dans sa Loi de taxer et regrouper les établissements mais de leur permettre de recevoir des novices, MIOT prend la parole pour s’opposer à cette possibilité et réclame la suppression totale des monastères et la dispersion des moines. Finalement au grand regret de MIOT seuls les couvents de bénédictins et de cisterciens sont supprimés et il écrit «cette condescendance de la part du Roi dérivant au surplus moins de sa conviction personnelle que des insinuations qui à l’époque dont je parle ici nous venaient de Paris. Il y avait alors en France un acharnement marqué contre ce que l’on appelait philosophie ou libéralisme, un déchaînement officiel contre Voltaire, Rousseau et les écrivains du siècle précédent … »

MIOT s’occupe activement de l’organisation du royaume et fait procéder à des travaux d’aménagement importants, il peut librement exercer ses talents de grand administrateur.

Il reçoit ses lettres patentes de Comte de Melito des mains du Roi Joseph.

Dans ses mémoires, MIOT rappelle que ses années à NAPLES ont été les plus heureuses de sa vie.

Malheureusement MIOT devra suivre avec regret Joseph BONAPARTE en Espagne.

LE BOURBIER ESPAGNOL

Le ROI JOSEPH nomme MIOT conseiller d’état du Royaume d’ESPAGNE.

Le Conseil d’Etat compte trente membres dont deux ne sont pas espagnols : MIOT et FERRI-PISANI (antérieurement Ministre des Postes à NAPLES).

Ici aussi sous l’impulsion de MIOT, le Conseil d’Etat du Royaume d’Espagne prend notamment un décret de suppression de tous les couvents d’hommes.

MIOT qui est présent aux côtés de Joseph, constate que les populations sont poussées à la résistance par l’attitude des troupes françaises, saccageant avec délectation les églises et faisant preuve d’une agressivité hautaine que supportent mal l’orgueil et la fierté des espagnols. Or l’Empereur, qui a besoin d’entretenir ses troupes sur le pays, approuve l’action de ses généraux même s’ils saccagent les villages et humilient les espagnols.

Un conflit ouvert éclate entre Joseph BONAPARTE et l’Empereur NAPOLEON car les généraux français, théoriquement soumis au ROI JOSEPH, obéissent en vérité aux ordres de NAPOLEON qui n’hésite pas à nommer des administrateurs chargés en ESPAGNE de subvenir aux besoins de l’armée française et qui ruinent les efforts d’organisation administrative.

Malgré la conscience qu’il a de la nécessité de ne pas heurter la susceptibilité des populations espagnoles Miot poursuit sa politique de destruction rapide de l’ordre ancien.

Dans ses mémoires, MIOT tout en indiquant s’être opposé à l’action des militaires, justifie encore toutes ses propres actions en ne faisant part d’aucun regret sur les dispositions qu’il ait pu adopter et les conséquences qu’elles aient pu avoir.

Il estime avec suffisance que s’il avait été suivi dans ses opinions notamment en matière stratégique, le sort des armes aurait été différent pour les armées napoléoniennes en Espagne .

Ce haut fonctionnaire qui a participé à l’organisation de tant de massacres, assiste à MALAGA pour la première fois à une corrida mais indique dans ses mémoires qu’il « n’a pu aller au terme de ce spectacle cruel » !

Dans l’opposition entre L’Empereur et son frère, MIOT sera amené à soutenir systématiquement Joseph BONAPARTE, ce qui ne facilitera pas ses relations futures avec NAPOLEON.

En avril 1811, après six ans d’absence, MIOT est de retour à PARIS pour le baptême du Roi de ROME avec Joseph BONAPARTE et constate qu’il n’a plus le rang de ceux qui sont restés auprès de l’Empereur.

Il se rend compte que Joseph BONAPARTE ne représente rien et que son pouvoir est bien fragile à MADRID et il prend conscience avec amertume que son choix de s’installer dans cette capitale avec l’ensemble de sa famille lui a fait manquer une carrière exceptionnelle en France.

MIOT se pose la question de quitter un Prince à qui il a consacré six ans de son existence pour pouvoir revenir en grâce auprès de NAPOLEON et obtenir les mêmes faveurs que ceux qui sont restés à PARIS, centre du pouvoir

Toutefois, étant trop engagé auprès de Joseph BONAPARTE, il n’a pas d’autre solution que de le suivre à nouveau en ESPAGNE où il assiste à la retraite, à partir du 10 août 1811, où il quitte MADRID pour la première fois.

Il y reviendra avec Joseph BONAPARTE mais quittera définitivement la capitale en Mai 1813.

MIOT qui était Conseiller d’Etat et Surintendant de la Maison du Roi JOSEPH n’est plus qu’un simple conseiller d’un Roi sans royaume.

FIDELE MALGRE LUI A L’EMPIRE

Le 28 Juin 1813, MIOT regagne la FRANCE, il est envoyé par Joseph BONAPARTE auprès de NAPOLEON pour essayer d’expliquer la position de son frère mais NAPOLEON a entre temps nommé le Maréchal SOULT au commandement général des troupes en ESPAGNE, en reprenant directement la direction des opérations. MIOT restera en FRANCE et rejoindra Joseph BONAPARTE au Domaine de Morfontaine où il sera chargé de régler l’abdication du Roi JOSEPH exigée par NAPOLEON.

En janvier 1814, MIOT retourne au Conseil d’Etat à la demande de l’Empereur car il reste malgré tout un fidèle du régime.

Son gendre, le Génénal JAMAIN est en poste auprès de l’Empereur en qualité de major des grenadiers à cheval de la Garde Impériale, son fils et son neveu sont aides de camp et suivent NAPOLEON dans la Campagne de FRANCE.

Il est chargé d’assister l’Impératrice Marie-Louise qui organise la régence avec Joseph BONAPARTE et CAMBACERES, pendant l’absence de Napoléon

MIOT accompagne l’Impératrice à BLOIS avant que PARIS ne soit investi par les alliés.

Après les adieux de FONTAINEBLEAU, MIOT, comme de très nombreux hauts fonctionnaires, reconnaît le gouvernement provisoire et rappelle dans ses mémoires qu’il n’avait eu « aucune honte à s’y soumettre ».

A son grand étonnement, il est exclu par le gouvernement provisoire le 11 avril 1814, alors qu’il avait adhéré au changement politique avec les autres membres du Conseil d’Etat, en raison de sa présence auprès de Marie-Louise à BLOIS pendant les événements ayant précédé l’abdication de BONAPARTE.

MIOT écrit à TALLEYRAND pour demander qu’il soit relevé de cette exclusion mais il n’obtiendra pas de réponse et sera mis d’office à la retraite.

Le retour de NAPOLEON de l’Ile d’ELBE en 1815 le rappellera de nouveau au service de l’Empereur surtout en raison de l’engagement de son gendre et de son fils, qui ont rejoint NAPOLEON dans son retour vers PARIS.

Il écrira « je ne pouvais, sans les désavouer, me refuser à rentrer dans le Conseil d’Etat d’où le Roi m’avait exclu, et où l’Empereur me rappelait, j’obéis donc, quoi qu’à regret à ma destinée ».

A PARIS, le 23 mars 1815 aux Tuileries, il est de nouveau reçu par NAPOLEON et revoit Joseph BONAPARTE.

Le 9 avril 1815, il reçoit une lettre du Ministre de l’Intérieur CARNOT l’informant qu’il était nommé Commissaire Extraordinaire du Gouvernement pour les cinq départements de l’ouest de la France et il quitte Paris pour LA ROCHELLE le 13 avril, visite la Vendée puis Nantes pour rétablir l’autorité de l’Empereur et procéder à la réorganisation administrative de ces départements.

De retour à Paris le 12 mai, il rencontre de nouveau NAPOLEON à l’Elysée lors d’une audience privée où il fait part à l’Empereur des inquiétudes de l’opinion publique.

Il est de nouveau un proche collaborateur de Joseph BONAPARTE qui assure les fonctions de chef de gouvernement pendant que NAPOLEON mène bataille.

La bataille de WATERLOO met fin à l’épopée napoléonienne et constitue pour MIOT la plus grande des catastrophes personnelles puisque son gendre, le Général JAMAIN y trouve la mort et que son fils y est grièvement blessé.

UNE RETRAITE LITTERAIRE

MIOT se retrouve avec sa femme, sa fille, veuve et enceinte et un fils qui après six mois de souffrances dues à la gangrène, meurt à l’âge de 20 ans.De plus, sa maison est réquisitionnée et il ne doit son salut qu’à la protection personnelle du Tsar ALEXANDRE qui avait connu et apprécié le Général JAMAIN.

Sa pension d’ancien membre du Conseil d’Etat ayant été supprimée par LOUIS XVIII en raison de sa participation active au Gouvernement des Cent Jours, MIOT est contraint de vendre sa maison de campagne en 1817 et décide d’habiter PARIS où il estime que son anonymat sera préservé et où il sera donc plus en sécurité qu’en province.

A l’inverse de beaucoup d’autres, il n’avait pas profité de sa situation privilégiée sous la Révolution et l’Empire pour s’enrichir.

N’étant ni électeur ni éligible en raison de la Loi sur le Cens, il se consacre uniquement à des travaux littéraires notamment des traductions d’Erodote publiées en 1822 et de Diodore de Sicile publiées de 1835 à 1838 en sept volumes.

Ce désengagement politique n’est sans doute pas étranger au rétablissement de sa pension dès 1818.

Toutefois, MIOT n’a pas rompu tout lien personnel avec ses anciens amis et le Roi JOSEPH établi à NEW YORK correspond régulièrement avec lui en l’invitant à venir le rejoindre. MIOT fera un voyage aux Etats Unis en s’embarquant au Havre le 1er juillet 1825, il arrivera à New York le 9 août et il y séjournera avec beaucoup de plaisir jusqu’au 15 mai 1826.

Avec la Révolution de juillet de 1830, MIOT sera nommé en 1835 membre de l’Institut mais agé de plus de 70 ans, il n’a aucune activité politique contrairement à d’autres anciens bonapartistes qui retrouvent les portes du pouvoir sous le règne de Louis-Philippe. Il décède en 1841.

CONCLUSION

MIOT est un grand commis de l’Etat, intelligent, cultivé, travailleur. Il est, contrairement à d’autres, particulièrement incorruptible et peu sensible à l’argent.

Soucieux avant tout de sa carrière, il est prêt à exécuter sans faiblesse ni scrupules les ordres du gouvernement afin de pas compromettre son statut et atteindre les postes de haute responsabilité auquel il aspire.

C’est un technocrate imbu de sa valeur, qui regarde avec méfiance et parfois hostilité les politiques, même quant il partage en cette période charnière pour la France leur volonté idéologique de destruction de l’ordre ancien.

Dans son action en Corse, il est le fidèle exécutant de la politique de Napoléon qui n’a jamais accepté que son pays natal n’aie pas reconnu ses talents et veut briser toutes velléité de résister à son nouveau pouvoir.

Il organisera consciencieusement et avec intelligence le système de mise au pas et de francisation forcée de l’île en employant des moyens répressifs sévères et des mesures administratives et fiscales limitées mais habiles, sans parvenir à ses fins.

Si MIOT est un admirateur de la belle nature corse, il n’est pas plus attentif au sort des corses qu’à celui des vendéens pendant la Terreur. Ne trouve grâce à ses yeux que ceux qui abandonnent leur identité révolue à ses yeux et se plient à la politique de l’Etat qu’il sert.

AJACCIO qui a eu ses faveurs sur ordre des Bonaparte lors de son séjour en Corse ne l’oubliera pas et donnera son nom à l’une de ses grandes places pendant le Second Empire. Le souvenir de l’administrateur André François MIOT ne restera vivace qu’en Corse grâce aux arrêtés qui portent son nom, alors que ses missions dans l’île n’ont représenté qu’une partie très minime de son action au service de la France.

La volonté d’élever son image sans tâches pour valoriser l’intégration de la Corse à la Nation française a fait oublier à certains historiens des évidences, ainsi comment ne pas sourire en lisant le bénédictin Dom Jean-Baptiste GAI qui écrit sans réserves de lui : « qu’il administre l’Ile avec une maîtrise et une largeur de vue dont les corses lui sont demeurés reconnaissants ». Ce bon moine ne se souvient pas que les « bandits » qu’a pourchassé en Corse l’anticlérical MIOT sous le Directoire et le Consulat, étaient notamment des prêtres non jureurs et des porteurs de « crocette »!

Pour l’Accademia Corsa

Jean-Pierre POLI

Janvier 2003

Bibliographie

– Comte MIOT DE MELITO Mémoires

– Louis ORSINI – Les arrêtés MIOT (Editions La Marge)

– François POMPONI le Mémorial des Corses (Tome III)

– Simon GRIMALDI La Corse et le Monde (Tome III)

– Charles SANTONI Chroniques de la Franc Maçonnerie en Corse (1772 – 1920)

– Francesco Ottaviano RENUCCI Memorie et Storia di Corsica,

– COLONNA de CESARI ROCCA et Louis VILLA – Histoire de Corse

– Dom Jean Baptiste GAI – La tragique histoire des Corses

– Pierre ANTONETTI – Histoire de la Corse

– Pascal MARCHETTI – Une mémoire pour la Corse

– Pietro COLLETTA – Storia del Reame di Napoli

 

 

 

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