LE PETIT TRAIN DE CORSE U TRENIGHELLU

Source : https://www.corsicamea.fr/chroniques/train.htm

Voici en quelques lignes la fabuleuse histoire du petit train de Corse, dont la construction a suscité tant d’espoirs et de passions, qui coûta une véritable fortune et qui fut le plus grand chantier et la plus grande réalisation  que notre île ait jamais connu.

L’idée de la construction d’un chemin de fer pour la Corse prend naissance en 1855 sous l’impulsion du magistrat Antoine Conti qui propose un projet grandiose. Faire coïncider les horaires des navires avec les horaires des chemins de fer afin d’établir une liaison continue (avec des trajets maritimes) entre le continent, la corse, la Sardaigne et l’Afrique du Nord avec comme points de desserte principaux Bastia, Bonifacio, Olbia, Cagliari et Bône.

Le 31 août 1861, un avant projet fait un tracé du chemin de fer qui va d’Ajaccio à Bastia en passant par Propriano, Sartène, Porto-Vecchio et Bonifacio.

 

Le 21 décembre 1862, le premier projet de chemin de fer pour la Corse est soumis à Napoléon III. Le train partira de Calvi (ou de l’île rousse) pour rejoindre Aléria en passant par la vallée de l’Ostriconi, Lama, Ponte alla leccia, Francardo, Caporalino, San Quilico et Bistuglio. D’Aléria, il irait jusqu’à Bonifacio, puis conjuguant voie maritime et ferrovière, il traverserait la Sardaigne pour rejoindre l’Afrique du Nord, Bône ou Philippeville. La durée du trajet est alors estimée à 46 heures en partant de Marseille et à 31 heures en partant de Livourne.

Deux croisement seraient également nécessaires : Le premier de Bastia à Saint-Florent par la vallée de l’Ostriconi et le deuxième à partir du confluent du Tavignano et du Vecchio pour rejoindre Ajaccio en passant par la forêt de Vizzavona.

Avril 1863 – Proposition de construction d’une ligne  Bastia-Prunete avec prolongement jusqu’à Bonifacio. Une seconde ligne partant d’Ajaccio irait rejoindre la première près d’Aleria. Avec un total de 280 kilomètres de voies ferrées, les villes de Bastia-Ajaccio-Corte-Bonifacio, seraient ainsi reliées.

Mars 1868  – Nouveau projet de construction d’une ligne Bastia-Porto-Vecchio-Figari-Bonifacio-Sartene-Ajaccio (265 kms) avec, plus tard, une bifurcation vers Corte.

En février 1868, à la demande du ministre des travaux public, l’ingénieur en chef des ponts et chaussées de la corse propose un nouveau tracé.

 

Le point le plus difficile étant le franchissement du col de Vizzavona culminant à 1161m. Au début du projet, c’est un système comparable au système à crémaillère (système Fell) qui est retenu avec un écartement du rail de 1.10 m. Deux tracés sont retenus, un suivant la RN 193 et l’autre longeant la côte orientale jusqu’à Aléria d’où il rejoindrait Corte en suivant le Tavignano.

 

Une ligne  effectuant un détour par Porto-Vecchio et Sartène pour éviter les régions les plus montagneuses est également envisagée.

La même année, Louis Nyer, maire d’Ajaccio réclame la création des  lignes Ajaccio-Corte-Bastia, Bastia-Cervioni-Bonifacio, Calvi-Bastia et Sartene-Ajaccio. Soit un total de 522 kms de voies ferrées.

 

Longueur totale 433 kms

Bastia-Corte-Ajaccio 156 kms

Ajaccio-Propriano 55 kms

Ponte Leccia-Calvi 72 kms

Casamozza-Bonifacio 150 kms

 

 

D’autre lignes qui ne virent jamais le jour étaient également prévues : Bastia-Maccinaggio (45 kms), Folelli-Orezza (20 kms), Orezza-Ponte-leccia (70 kms), Ajaccio-Bonifacio (160kms), Ajaccio-Vico (60 kms).

L’arrivée de l’électricité va même faire naître de nombreux projets, parfois utopiques, de traction électrique. En 1930, un projet de tramway électrique entre Furiani, Cardo, la gare et le port est même envisagé. Comme tous les autres, il sera abandonné car l’automobile vient de faire son apparition sur les routes de l’île.

 

En Mars 1870, l’état rend enfin publique et définitive la construction du chemin de fer de la Corse et le 7 décembre 1878, l’évêque d’Ajaccio, Mgr de La Faota procède à Aspretto à la bénédiction plutôt symbolique des premiers travaux qui ne débuteront en réalité qu’en février 1880 avec le percement des tunnels de la Torreta (Bastia) et d’Aspretto (Ajaccio).

A l’occasion de cette cérémonie inaugurale, le maire d’Ajaccio, Nicolas Peraldi, organise une grande fête : représentation gratuite au théâtre Saint-Gabriel, retraite au flambeau, feu d’artifice suivi d’un grand banquet à l’hôtel de ville et d’un bal populaire.

 

Les travaux débutent trois mois après l’inauguration par le percement du Tunnel d’Aspretto. Quelques temps après des problèmes d’ordre géologique, de venue d’eau dans les galeries, un éboulement se produit, provoquant la mort de cinq ouvriers Italiens. Plus tard, des tirs de mines blessent grièvement plusieurs des trois cents ouvriers du chantier.

Malgré aussi des problèmes judiciaires les travaux avancent rapidement et le 04 juillet 1880, le percement des 247 mètres du tunnel est terminé et les travaux de ballastage peuvent commencer.

Les centaines de milliers de mètres cubes de rocher et de tuf qui ont été extraits vont être déversés dans la mer devant le mouillage des Cannes et devant Sainte-Lucie où s’élèvera en 1888 la gare entièrement construite sur une emprise artificielle de sept hectares. En 1909, la voie ferrée est prolongée jusqu’à l’appontement des navires.  Ce service et les rails seront supprimés en 1960.

 

Les déblais du tunnel sont jetés dans le lit du Fango sur plus de 800 mètres afin d’aménager l’assise du boulevard de la gare (actuel boulevard Sebastiani) et sur ce qui deviendra plus tard la place Saint-Nicolas dont l’espace est ainsi gagné en partie sur la mer.

Durant cette même année 1882, la ligne de la Balagne et la section Casamozza-Ghisonaccia sur la côte orientale sont déclarées d’utilité publique.

Afin d’éviter au train de franchir le col de Vizzavona (1161 mètres d’altitude), les ponts-&-Chaussées décident de percer un tunnel à 906 mètres d’altitude. La décision est prise le 26 avril 1880.

Cet ouvrage reste le plus extraordinaire du réseau de part sa longueur et ses caractéristiques rectilignes. Les travaux de percement du tunnel de Vizzavona débutent au début de l’été 1880 et consistent dans un premier temps à percer une galerie de deux mètres de diamètres grâce à deux perforatrices modernes employées de part et d’autre du tunnel, ainsi que quatre puits verticaux, et dans un deuxième temps à élargir ces galeries, les maçonner et enfin ballaster et poser la voie. Malheureusement, après deux années le percement de la galerie est suspendu à cause d’une source de plus de 65 m3/heure de débit qui apparue à 1700 m de la tête nord du tunnel, inondant sur plus de 600 m le front nord du tunnel et causant la mort par noyade de trois ouvriers. Afin d’éviter un long travail de pompage, les travaux de percement reprennent  du côté sud du tunnel (le tunnel étant en pente de 20%, l’eau n’aura plus qu’à s’écouler vers la Gravona). Une fois l’eau évacuée, il restait encore six années de travaux afin de terminer l’ouvrage d’art de 3916 mètres de long.

Entre 1881 et 1883, quatre autres ouvriers périront et douze seront sérieusement blessés par des éboulements.

Dix années plus tard, les 230 km du parcours, qui compte 43 tunnels (13185m au total), 76 ponts et viaducs, 57 gares et haltes, 75 maisonnettes cantonnières, 50 hangars à marchandises, 50 kilomètres  de murs de soutènement et 400 kilomètres de lignes télégraphiques, ont représenté un véritable défi pour les ingénieurs de l’époque.

 

La premier portion du trajet Bastia-Corte est ouverte le 1er février 1888. La liaison Bastia-Ghisonaccia est achevée le 17 juin. Le 1er décembre le tronçon Ajaccio-Bocognano est ouvert.

Alors que la ligne de Bocognano à Vivario était ouverte depuis le 14 juillet 1889, les travaux du pont du vecchio ne débutèrent que le dernier trimestre 1890.

Ce viaduc était d’une dimension telle (94 mètres de haut, 140 mètres de long et 4 mètres de large) qu’il fallut un architecte assez avant-gardiste pour le construire. Un certain Gustave Eiffel (dont l’épouse est corse) fut choisi, celui-là même qui construira quelques années plus tard le célèbre monument de la capitale. Pour ce faire, l’architecte choisi une architecture mixte composée de deux piliers en pierre de 80 mètres reposant dans le lit du torrent et trois travées métalliques (La travée en partie centrale mesure 52 mètres et les travées latérales mesurent chacune 44 mètres).

Les travaux de ce chantier, véritable ouvrage d’art, se terminèrent le 1er octobre 1892 avec un mois d’avance sur le délai imposé et coûtèrent 400.000 francs.

La section Vivario-Vizzavona ouvrit donc le 9 octobre suivant.

La ligne Bastia-Corte-Ajaccio fut enfin achevée le 03 décembre 1894.

 

Les travaux du tronçon Pont-Leccia-Calvi (dans le premier projet le train devait desservir Belgodère, Aregno et Palasca) débutèrent en 1886; mais sur cette ligne de la Balagne, ils ne furent pas aussi facile en raison d’un relief accidenté. Effectivement, il fallut dans un premier temps substituer un tunnel de 40 mètres à la tranchée initialement prévue, du fait de la friabilité de la roche. La pose de voie, limitée à Palasca fut terminée pour l’automne 1888, mais malheureusement, à la suite de pluies torrentielles qui s’abattirent sur la région, le 17 février 1889, la galerie du Tunnel de Conculi (entre Palasca et Novella) s’effondra sur toute sa longueur. Il fallut en construire un autre plus profondément sous la montagne.

La section Ponte-Leccia-Palasca est ouverte le 10 janvier 1889 et la section Palasca-Calvi n’est ouverte que le 15 novembre 1890, avec un retard de plus d’un an.

Fait troublant, le 09 juin 1890, veille de l’inauguration du tronçon de Palasca à Calvi, M. Détroit, ingénieur des chemins de fer départementaux, qui en avait dirigé les travaux, est retrouvé pendu dans sa chambre d’hôtel à Île-Rousse.

Cependant, en raison de la guerre, il faudra attendre encore 42 ans pour voir le tronçon Ghisonaccia-Solenzara ouvrir le 15 septembre 1930 et attendre encore cinq ans pour voir le tronçon Solenzara-Porto-Vecchio terminé le 21 septembre 1935.

Bonifacio, prévue, ne vit jamais arriver aucun train bien que les acquisitions foncières aient été effectuées sur les 40 kilomètres restants.

En 1943, la ligne de la côte orientale est détruite par l’armée allemande et ne sera jamais reconstruite.

Sur ce tronçon, aujourd’hui, de nombreuses haltes et gares ferroviaires sont  devenus des propriétés privées, des portions de voies ont été goudronnées et servent de chemins vicinaux. Quand aux 320 kilomètres de rails qui constituaient la voies ferrée, ils ont été dérobés de nuit et transportés ailleurs par bateau pour être sans doute de nouveau utilisés.

 

Après la guerre une autre bataille pour la sauvegarde du petit train de Corse va commencer.

Trinighellu est en susrsis depuis la fermeture du tronçon Casamozza-Folelli en 1953. Périodiquement les Corses sont en alerte et une nouvelle fois, ils s’émeuvent en ce mois de novembre 1959 lorsque Robert Buron, ministre des transports déclare qu’un autocar et cinq camions doivent suffire pour assurer le trafic de l’île; ce qui, il faut bien en convenir, est hélas en partie vrai puisque l’économie est moribonde et que les voyageurs qui utilisent le train pour se déplacer sont rares. Le service public est menacé et le journal Le petit bastiais écrit que cette déclaration du ministre est plus qu’un crime, c’est une faute.

L’état déclare qu’une fois le réseau routier remis en état, il sera procédé au démentiellement et à l’aliénation de de toutes les installations mobilières et immobilières du réseau ferroviaire. Partout en Corse des protestations s’élèvent et la colère monte. Le 24 novembre François Giacobbi interpelle violemment le gouvernement et l’assemblée départementale suspend ses travaux en signe de protestation. Le 08 décembre une grève générale largement suivie, paralyse l’île. En vain ! Au début de l’année suivante, le 07 janvier le préfet fait savoir que l’état ne reviendra pas sur sa décision. L’épreuve de force est engagée ! De nouveau mots d’ordre de grève auxquels vont s’associer  les Corse de la diaspora  sont lancés. Le 11 mars, tous les syndicats ouvriers, les fonctionnaires et le socio-professionnels se mobilisent … à l’exception du syndicat des transporteurs routiers. C’est en fait la première opération Isula morta comme on en verra bien d’autres encore. Des milliers de manifestants défilent dans les rues. De partout, des messages de solidarité affluent. Le gouvernement est ébranlé.

En 1962, les Corses sont de nouveau abasourdis par les déclarations du maire d’Ajaccio Antoine Serafini qui se déclare ouvertement favorable à la suppression du chemin de fer. Il est suivi en cela par le député UNR Samarcelli et par le maire de Bastia Jacques Faggianelli.

 

En 1965, la crise rebondit. Outre la menace de disparition du chemin de fer, on proteste également contre la fermeture de la mine de Canari et contre la suppression des lycées de Corte et de Sartène. Les décisions de l’état sont perçues comme autant de provocations après l’annonce du licenciement de 80 employés des chemins de fer et déclanchent de nouvelles grèves qui sont massivement suivies le 26 mai et le 09 juin.

Malgré quelques concessions accordées par l’Etat, en 1971, l’avenir du chemin de fer est toujours incertain. Le 12 janvier 1972, à l’appel des syndicats et des partis de gauche, la population de toutes les ville défile dans la rue, des heurts violents se produisent. Une nouvelle fois, le peuple Corse montre sa détermination. Devant le maintien de la pression revendicative le gouvernement recule. Il prend l’engagement d’effectuer à sa charge la modernisation du réseau et l’achat du matériel. En 1974, la Corse reçoit son premier autorail flambant neuf et les nouveaux ateliers de Casamozza sont inaugurés en 1978. Le principe du service public à prévalu et trinighellu est bel et bien sauvé à la satisfaction de toute une population qui depuis le début en avait fait un symbole.

L’ancienne gare de Prunete-Cervioni.

Vue générale de l’ancienne gare de Bastia.

Ajaccio – Une locomotive à Vapeur vers les Salines.

Vestiges ferroviaires en gare de Bastia.

A Francardo, l’entrée du tunnel dit de Caporalino.

La gare d’Aghione. Devant, l’ancienne voie ferrée est devenu un chemin communal qui rejoint la gare de Ghisonaccia.

L’ancienne gare d’Aléria est devenue aujourdhui une habitation privée.

La gare d’Ucciani.

Vestiges ferroviaires en gare de Bastia.

Le train en gare d’Ile-Rousse.

La gare de Corte.

Vestiges ferroviaires en gare de Bastia.

La gare de Ghisonnacia abrite aujourd’hui un cabinet vétérinaire.

Vestiges ferroviaires en gare de Bastia.

La gare de Venaco.

Locomotive en fonction vers 1888.

Bastia – Entrée du tunnel de la torretta.

L’ancienne gare de Folelli abrite aujourd’hui des bureaux.

Vestiges de l’ancienne gare de Caldaniccia.

La gare de Bastia

La gare de Ghisonnacia.

La hâlte de Borgo.

Arrêt de la micheline en gare.

La gare d’Ajaccio

Le train en gare de Bastia.

La gare de Vivario.

A Folelli, le tracé de la voie ferrée est encore visible.

Passage de la locomotive à Vignetta.

Ancienne gare de Bastia.

A Ajaccio le train longeait le bord de mer jusqu’au Scudo.

La gare de Bastia après les bombardements en 1944.

Nouveau train de Corse.

Le train en gare de Vizzavona.

L’ancienne gare de Prunete-Cervioni.

La vieille micheline.

La vieille micheline.

Voyageurs devant le train en gare de Bastia.

Vestiges d’un pont au dessus de l’Aghione.

L’ancienne gare de Porto-Vecchio.

Vestiges de trains à la gare de Bastia.

L’ancienne gare de Solenzara.

La gare de Vizzavona et le Grand Hôtel de la Forêt.

Le tunnel d’Aspretto en construction (1880).

Vestiges de trains à la gare de Bastia.

La gare de Mezzana.

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