PERSONNAGES CELEBRES SAMPIERO CORSO (1498-1567)

Source : https://www.corsicamea.fr/personnages/sampiero.htm

Sanpiero (Gian Pietro) est né à Bastelica (Bastega en ce temps là) en 1498 d’une famille de roturiers, un clan en pleine ascension sociale à la fin du XVème siècle. Comme la plupart des Corses de son époque, à l’exception de quelques familles seigneuriales et des Génois établis dans l’île, il n’a pas de nom patronymique et dès son arrivée sur le continent on fera suivre son prénom du nom de son pays d’origine : « Corso« . Ca n’est que bien plus tard qu’il deviendra Sampiero d’Ornano, un nom qui est celui de la piève dans laquelle sa famille possède de nombreuses terres.

Attiré très tôt par l’aventure des armes, Sampiero, à peine âgé de 14 ans, quitte Bastelica en 1512,  pour aller rejoindre à Florence son oncle paternel le capitaine Tistano Corso auprès duquel il combattra comme écuyer dès 1516.

Personnage controversé, moins insulaire qu’on ne le croit, Sampiero était un mercenaire au service des Médicis, de l’Empereur puis des Valois. En 1536, il entre définitivement au service du roi de France. Ses exploits se multiplient sur les champs de bataille de l’Europe et son courage lui vaut de gravir rapidement les échelons de la hiérarchie militaire.

 

Depuis qu’il a quitté son village en 1512, Sampiero est un Corse du continent qui se partage entre Florence, Rome Marseille, Paris, la Cour et les champs de bataille. C’est la brouille du Dauphin avec son père François 1er, qui explique en partie le départ momentané de Sampiero, privé d’emploi ; D’ailleurs, il est surtout grand temps pour lui de rentrer en Corse pour y célébrer son mariage avec Vanina, conclu depuis 1528.

C’est donc au mois de juin 1545, au cours d’un retour dans son île après 33 ans d’absence, qu’il épouse à l’âge de 47 ans la jeune Vanina âgée de 18 ans, issue de la noblesse Corse (même si un peu de sang génois coule dans ses veines), fille unique de Franceschetta d’Istria et de Francesco d’Ornano qui la lui avait promise au berceau. Vannina d’Ornano appartient à une lignée qui a fait acte d’allégeance envers la Sérénissime République de Gênes. Son père, pour entretenir son rang, n’a jamais cessé de courtiser Gênes et se signale par l’aide qu’il apporte dans les pires moments aux représentants de l’Office menacés par les rebelles corses.

Un mois plus tard, après avoir levé une troupe de 150 hommes pour aller combattre en Angleterre, Sampiero débarque à l’île de Wight. Moins de deux mois après la signature d’un traité de paix, il est de retour à Bastelica où il va entreprendre sa reconversion : la conquête du pouvoir local car, il est permis de le penser, son ambition est de gouverner l’île avec l’appui armé du roi de France.

Par ses origines et par les liens qu’il a toujours gardé avec son pays, Sampiero, sujet de la Sérénissime République de Gênes et plus exactement de l’Office de Saint-Georges, s’est toujours senti concerné par les affaires de la Corse et il n’hésite pas à prendre le parti de ses compatriotes opprimés. A plusieurs reprises il se rendra en Corse où ses exploits l’ont rendu célèbre et où l’on voit en lui un protecteur influent.

 

En 1547, alors que Vanina vient de donner naissance à son premier enfant, Alfonso, futur maréchal de France, Sampiero, fidèle des Médicis depuis toujours, est nommé Colonel général de l’infanterie Corse au service du roi par François 1er et il reprend le chemin de l’Italie.

Le 25 décembre 1547, de retour de Rome à bord d’une frégate pontificale, il débarque à Bastia où il est aussitôt incarcéré par l’autorité génoise, représentée par le gouverneur Spinola, qui le soupçonne de comploter contre la République. Gênes n’apprécie pas l’intervention de Sampiero pour prendre la défense de certains colons récalcitrants de Bastelica et de Porto-Vecchio. Elle le suspecte de comploter avec des « bannisnnis » et de vouloir s’emparer de Bonifacio.

C’et grâce à l’intervention directe du Roi Henri II qui n’a pas oublié que Sampiero lui a sauvé la vie en 1542 devant Perpignan, que Sampiero est libéré le 19 avril et peut enfin rentrer chez lui à Bastelica. Cet épisode va développer chez Sampiero un esprit de rébellion qui va en faire un héros national.

En novembre 1549, Sampiero est de nouveau appelé à servir en Toscane puis dans les troupes françaises.

En Corse, en 1553, à la tête d’une escadre Franco-Turque, il brandit l’étendard de la révolte et remporte quelques succès sur les Génois commandés par Andrea Doria mais il est rappelé en France en 1555.

Le 03 avril 1559, le traité de Cateau-Cambresis restitue la Corse aux Génois. Cette nouvelle est un coup terrible pour tous les insulaires qui avaient embrassé le parti français. Cependant Sampiero ne se décourage point, et espère encore d’arracher la Corse des mains de ses ennemis.

Le 28 juin 1562, malade et affaibli par une profonde blessure à sa jambe gauche qui n’a jamais cicatrisé, Sampiero, décide de se rendre à Constantinople pour obtenir l’aide du Grand Turc. Il règle ses affaires et fait son testament auprès du notaire Champorcin de Marseille en instituant comme héritiers ses fils Alfonso (qui deviendra plus tard Maréchal de France) et Antò Francesco et laisse l’usufruit de tous ses biens à son épouse Vannina qui pourra en jouir de son vivant.

Cependant les directeurs de l’Office de Saint-Georges, instruits des desseins de Sampiero, songent à s’emparer de sa femme, qui habite Marseille. Des pressions, faites d’alternances de promesses et de menaces, s’exercent sur Vannina par l’intermédiaire d’Ombrone, précepteur de ses enfants, en relation étroite avec Gênes qui a conçu le projet de porter un coup à Sampiero en ralliant à sa cause sa propre épouse. On la persuade de ne pas attendre le retour hypothétique de son mari pour venir se réfugier à Gênes et se placer sous la protection rassurante de la sérénissime.

En septembre 1562, Vannina cède à ces pressions, vend à la hâte quelques effets personnels et de l’argenterie puis munie d’un sauf-conduit qu’on lui a fait parvenir de Gênes, elle s’embarque pour la Ligurie en emportant ses biens et en amenant avec elle son jeune fils aîné Alfonso, le précepteur Ombrone et un fidèle serviteur.

Sampiero, qui est encore à Alger où il a dû rester alité à cause de sa vilaine blessure, apprend la « trahison » de Vannina. Fou de rage, à peu près rétabli et au service du Roi avant tout, il décide poursuivre son voyage jusqu’à constantinople, non sans avoir écrit ses recommandations dans deux lettres qu’il confie à Antonio di San-Fiurenzo, ami dévoué et fidèle, avec la mission de surveiller son épouse et de lui retirer la procuration qu’il lui avait donné avant de partir pour gérer ses affaires.

 

A Marseille, après s’être acquitté de sa mission, San-Fiurenzo se lance à la poursuite de Vannina qui s’est embarquée pour Gênes en compagnie d’Ombrone dans la nuit du 20 au 21 septembre 1562. Les fugitifs sont rattrapés à la hauteur du petit port d’Antibes et arraisonnée. Vannina, accusée de comploter contre le Roi de France pour le compte de Gênes est arrêtée et emprisonnée au fort d’Antibes et Ombrone est transféré à Marseille puis relaxé. Vannina est jugée par le parlement d’Aix en Provence qui l’absout sur la base d’accusations qui sont sans fondement et Antonio di San-Fiurenzo est condamné aux dépens; mais Sampiero, de retour en juillet 1563, exige du parlement que sa femme,qui est assignée à résidence dans la maison de l’huissier et qu’il n’a pas revu depuis plus d’un an, lui soit rendue.

Vannina connaissait la haine mortelle que son mari vouait dès les premiers jours de leur mariage aux Génois. Elle avait vu couler son sang et elle avait pansé ses blessures. Elle savait que son mari avait été déclaré traître et rebelle à Gênes et que sa tête avait été mise au prix. Elle n’ignorait pas toutes les misères dont sa Patrie était accablée; elle savait aussi que son mari, privé de l’appui de la nation pour laquelle il avait combattu, errait dans des contrées lointaines, cherchant des armes et des secours afin de briser le joug qui opprimait son pays.

En août 1563, comprenant ce qui allait arriver, Vannina avait rédigé son testament. Une quinzaine de jours plus tard, le 18 août, la sentence privée fut exécutée. D’abord Sampiero tua les deux servantes de Vannina parce qu’elles étaient dans le secret de leut maîtresse.

Contrairement à la légende de la photo, c’est Sampiero qui s’agenouilla devant Vannina, demanda pardon à sa malheureuse épouse pour l’acte qu’il allait commettre puis l’étrangla de ses propres mains, châtiant ainsi une trahison qui n’en était pas une; Vannina s’était seulement rendue coupable d’avoir voulu essayer d’arrêter la guerre qui se préparait. Elle avait pensé qu’en se donnant en otage à Gênes, Sampiero déposerait les armes et que la guerre pourrait être ainsi évitée.

Sampiero, qui semble n’avoir été que le bras séculier d’un ordre émanant du sommet de l’état français, fit ensevelir son épouse après un office qui eut lieu en grande pompe puis il prit le deuil en déclarant partout qu’il n’avait fait que justice. Protégé par Catherine de Médicis qui fut très probablement l’instigatrice d’un crime qui risquait de l’éclabousser elle-même, Sampiero ne fut pas inquiété malgré que sa tête fut mise à prix (2000 ducats) par la famille d’Ornano et par Gênes (4000 ducats).

 

La lutte qui dura trente mois (du 15 juin 1564 au 17 janvier 1567) dépassa en atrocités toutes les précédentes.

Les ennemis ne connaissaient plus aucun ménagement. Sampiero jetait les prisonniers en pâture à ses chiens. Les Génois torturaient les Corses tombés entre leurs mains avant de les pendre. Les femmes elles-mêmes, se livraient sur les prisonniers à de monstrueuses cruautés. L’exaspération était à son comble. Les Ornano brûlaient des villages entiers. Les maisons du village de Pozzo-di-Borgo furent incendiées par les Génois et Sampiero qui soupçonnait ses habitants d’espionnage les fit dévorer par ses chiens. A Vescovato, il jeta dans le feu les prisonniers Génois et poignarda de sa propre main les capitaines Corses qui servaient dans leurs rangs. C’était un échange d’horribles représailles. Le caractère autoritaire barbare et violent de Sampiero fut en partie la cause de sa perte. Déjà, plusieurs de ses compagnons, las de son despotisme et de sa cruauté, l’avaient abandonné.

A l’automne 1566, le vent de la révolte semble s’être appaisé et les rapports adressés à Gênes par le nouveau commissaire Fornari sont optimistes ; Cependant, au début de l’année 1567, les derniers partisans de Sampiero lui font savoir qu’il y a encore de nombreuses communautés qui ont sollicité le pardon de Gênes et qu’il serait bon qu’il vienne se rendre compte sur place de la situation pour y mettre bon ordre.

Ce devait être la dernière chevauchée du Condottière dont les moindres déplacements étaient suivis par Fornari.

Sampiero accompagné de son fils Alfonso, 19 ans, se met en route aussitôt avec une escorte de 15 cavaliers. Il prend la direction de Cauro où les traîtres achetés par Gênes ne manquent pas… Ercole d’Istria, Giustiniani, les frères Michelangelo, Giovan Antone et Giovan Francesco Ornano, cousins de Vannina et d’autres qui, comme Vittolo arment leurs bras contre Sampiero en se mettant aux ordres du capitaine Raffaelle Giustiniani. Sampiero établi son camp à Ciglio au moment où Giustiniani avec ses cavaliers et une escouade de fantassins quitte Ajaccio pour se porter à sa rencontre. La colonne génoise commandée par Giustiniani, franchit le Prunelli le 17 janvier au matin et elle avance jusqu’à Suarella où vont s’engager sur le terrain sa vingtaine d’arquebusiers.Un simulacre de combat orchestré sans doute par Vittolo a pour but d’attirer Sampiero dans un piège. Encerclé, perdu, Sampiero, ne pensant qu’à protéger la vie de son fils et celle de ses compagnons, résiste en arrière garde pour donner aux siens le temps de se mettre à l’abri et seul, il fait face à ses ennemis en livrant ainsi son ultime combat. Atteint au visage par deux coups de lance portés par Michel’Angelo d’Ornano et poignardé à plusieurs reprises par Giovan Francesco d’Ornano, il est encore vivant quand les Ornano le jettent à terre tandis que tous ses assaillants le transpercent de coups de lances. Battista Bastelica se contente de lui couper une jambe et l’emporte avec sa botte à Ajaccio, Santo de Santa Maria d’Ornano lui tranche la tête et l’offre à son beau frère Michel’Angelo d’Ornano qui se flattera d’avoir tué Sampiero de sa propre main et revendiquera la récompense de 2000 écus qui sera finalement partagée entre les trois frères Ornano.

Le commissaire Francesco Fornari exposa la tête de Sampiero sur une pique à la porte de la ville et une jambe sur le bastion. Il ne pu réunir les restes du corps car les soldats en voulurent garder chacun un morceau pour mettre à leur lance en guise de trophée. Des réjouissances solennelles furent organisées et le 1er avril, le crâne de Sampiero était encore exposé à la porte de la ville d’Ajaccio. Alfonso d’Ornan fit de l’enlèvement de ce macabre trophée, la première condition de la paix.

 

Combattant d’un autre temps, Sampiero est mort en soldat, sur son cheval, les armes à la main. Il était âgé de soixante-dix ans et depuis l’âge de vingt ans, il avait risqué sa vie sur les champs de bataille. Condottière, mercenaire valeureux et ambitieux, il servit successivement plusieurs maîtres avec fidélité, mais il n’embrassa qu’une cause à laquelle il consacra ses dernières années : secouer le joug de l’oppresseur génois et devenir le roi des cinarcais.. Il n’oublia pas cependant de défendre ses propres intérêts en se faisant concéder en 1558 les terres et la Tour de Capitello ainsi que la reconnaissance de 80 vassaux soumis au paiement de la taille, démontrant ainsi qu’il était le procureur des pauvres avec des prétentions féodales.

Personnage controversé, despote et barbare sanguinaire (n’hésitant pas à tuer de ses propres mains amis, parents, femmes et enfants), souvent hai, Sampiero a entretenu en Corse une guerre avec les génois qui a revagé le pays (récoltes détruites, populations affamées, villages incendiés ou entièrement rasés) et fait le malheur des populations.

Il a suscité l’admiration, le respect et la crainte auprès des siens mais finalement abandonné de tous, il n’a pu échapper ni à la jalousie ni à la trahison.

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