LES BANDITS CORSES Nunziu ROMANETTI (1882-1926)

Source : https://www.corsicamea.fr/bandits/bandit-romanetti.htm

 

Nonce, Louis Romanetti est né à Calcatoggio le 25 juillet 1882.

Ayant quitté l’école très tôt, il apparaît aux yeux de ceux qui le connaissent comme un garçon au caractère instable et irritable.

Il fréquente assidûment les débits de boisson, n’a d’autre passion que les armes, ne s’intéresse qu’aux filles et à la politique.

 

En 1903, un jour d’élection, comme cela arrivait souvent au cours de ces journées enflammées, une bagarre éclate sur la place du village et Romanetti blesse d’un coup de stylet son adversaire. Cette première affaire lui vaut d’être arrêté et condamné à 10 mois de prison. Il a 21 ans.

En 1904, il blesse à nouveau d’un coup de stylet un habitant de Calcatoggio, ainsi que son épouse qui tentait de s’interposer, parce qu’il avait manqué à sa parole électorale.

Impulsif, s’emportant facilement, il est condamné en 1907 à 1 mois de prison.

En 1908, il est de nouveau condamné à 20 jours de prison pour violences.

En 1909, il enlève une jeune fille de Sari d’Orcino mais la menace d’une plainte déposée par les parents pour l’enlèvement d’une mineure lui fait lâcher prise. Il se rend alors dans le débit de boisson tenu par les parents de la jeune fille et après une violente altercation  au cours de laquelle il frappe la mère d’un coup de stylet, il est arrêté et condamné le 03 novembre 1910 par le tribunal d’Ajaccio à 3 ans de prison pour coups et blessures et envoyé à la prison centrale de Nîmes pour y purger sa peine.

Il revient à Calcatoggio en 1913 où il exerce la profession de boucher; mais son travail ne lui plait pas et il vient de déposer une demande pour devenir gardien de prison.

 

Mais le vice des mauvais garçons ne meurt jamais et un jour Romanetti vole dans un champ un bœuf appartenant à un habitant de la commune. Au moment où il est en train de charcuter sur la place du village, le propriétaire de l’animal, Jules Cesar Carbuccia, vient le voir pour lui demander réparation. Romanetti se défend en disant que c’est un ami qui lui a vendu la bête, qu’il ne savait pas que l’animal avait été volé et il accepte de le dédommager au prix demandé. L’affaire aurait pu en rester là, mais Carbuccia se ravise et dépose plainte et le 30 août 1913, Romanetti, qui a déjà pris le maquis, avec la ferme intention de se venger, est de nouveau condamné par contumace à 5 ans de prison, cent francs d’amende et  5 ans d’interdiction de séjour.

Quelques mois plus tard, le 20 janvier 1914, alors que Giulio-Cesare Carbuccia, l’homme qui l’a fait condamner, se rend à la messe au col de San-Bastiano, près du village où l’on célèbre la fête patronale, le bandit, caché derrière un fourré, l’abat d’une balle en plein cœur. Désormais, dans l’épaisse végétation qui entoure le Cruzinu, Romanetti va organiser sa vie.

 

Le 05 avril 1914, sur la commune de Casaglione, ayant appris que son guide Jean-Pierre Carli se servait de son nom pour rançonner des propriétaires de la région, il l’abat froidement puis, pour asseoir une notoriété de bandit d’honneur, il charge un certain Andarelli d’aller porter le fusil et la cartouchière du mort à la gendarmerie.

Beau garçon, Romanetti cumule les aventures amoureuses et prend souvent des risques inconsidérés que les gendarmes, connaissant sa faiblesse, tentent en vain d’exploiter.

Au cours de cette même année de 1914, il ne répond pas à l’ordre de mobilisation et entreprend le commerce en gros de la viande de boucherie. Il signe un contrat avec la firme Roquefort pour l’approvisionnement des fromageries et devient l’intermédiaire des bergers.

 

Devenu riche, il s’offre une escorte de protecteurs qui surveillent pour lui le maquis et troque son cheval contre l’automobile qui vient de faire son apparition sur les routes de Corse.

 

Le 06 avril 1916, dans une bergerie du domaine de la Punta, victime probablement d’une dénonciation, il est cerné en pleine nuit par les gendarmes de la brigade de Calcatoggio mais il parvient cependant, bien que grièvement blessé au bras droit, à prendre la fuite en tuant un gendarme et en se protégeant derrière le corps de la jeune Françoise Leca, âgée de 15 ans, qui y laissera la vie.

 

Sûr de son invincibilité, il s’installe au golfe de Lava avec Madeleine Mancini. Régulièrement informé des opérations de gendarmerie, il parvient systématiquement à fuir pour éviter l’affrontement.

Lors d’un entretien avec un journaliste il lui déclara ceci : « Dites bien à vos lecteurs que Romanetti n’est ni un voleur, ni un lâche et que je n’ai jamais fait de tort à qui que ce soit… je m’efforce même d’adoucir le sort de ceux qui ont faim en les aidant dans la mesure de mes moyens. Je n’ai jamais tué que pour me défendre« .

 

En 1919, il décide de marier sa fille légitime Marie-Antoinette, âgée de 15 ans, avec Jean-Marie Mancini. Célébré au maquis, ce mariage est l’objet de fastueuses réjouissances  auxquelles sont conviées, sans aucun choix de refuser, de nombreuses personnalités ainsi que tous les maires du canton de l’Orcino. La notoriété de Romanetti ne fait que croître.

 

Le 22 décembre 1920, vers 3 heures du matin, alors qu’il dîne tranquillement dans un restaurant de nuit du cours Napoléon à Ajaccio, Romanetti abat l’inspecteur de Police Jean Nougarolis qui tentait de l’interpeller.

 

Respecté de tous, le bandit est appelé à exercer son influence comme paceru au sein des familles dans la discorde. Même les meurtriers lui demandent conseil ; comme cet instituteur de Calcatoggio qui après un accès de démence, venant de tuer son épouse et ses deux enfants lui demande ce qu’il doit faire. Romanetti lui répond : « après ça, il ne te reste plus qu’à rentrer chez toi et à te tirer une balle dans la tête« . L’instituteur suivra aussitôt son conseil.

La politique, les campagnes électorales, comme celle de 1920 à laquelle il prit une part active, occuperont une place très importante dans la vie du bandit.

En mai 1922, lors de sa venue en Corse, Alexandre Millerand, Président de la République, serre la main de Romanetti qui fait partie du cortège des maires reçus à Evisa.

En juillet 1923, Romanetti soutient la campagne du riche industriel François Cotyoriginaire d’Ajaccio, qui est venu lui demander la permission de se présenter aux élections sénatoriales. Le bandit démentira cependant toute forme d’intervention dans cette campagne électorale.

Adulé des femmes, courtisé par les hommes désireux d’obtenir ses grâces, il mène le train de vie d’un prince. On le voit partout aux meilleures tables d’Ajaccio, distribuant avec largesse de généreux pourboires.

 

De la vallée de la Cinarca à la montagne de Vizzavona, Nonce Romanetti s’était autoproclamé roi du maquis et on le surnommait « le bandit dandy » en raison de son allure toujours très soignée.

Il avait obtenu une notoriété qu’il savait entretenir par les nombreuses réceptions accompagnées de musiques et de chants organisées dans « son palais vert ». Des personnages illustres, qu’il recevait volontiers avec une mise en scène calculée, se sont succédés à sa table et ont colporté sa renommée bien au-delà de l’hexagone.

Le 07 janvier 1924, moyennant finances un metteur en scène (les films Dini) obtient l’autorisation de le filmer.

 

Une nuit de pleine lune, le 25 avril 1926, vers 3 heures du matin, aux environs du col de Canale, alors qu’il regagne comme chaque soir sa tanière, il ne verra pas venir les balles qui l’atteignent mortellement.

A Lava, Madeleine Mancini (*) comprend, en voyant revenir le cheval sans son cavalier, que l’inévitable vient de se produire.

Qui a criblé le corps de Romanetti de balles de chevrotines ? Certainement quelqu’un qui le connaissait bien et qui connaissait aussi ses chiens puisque ceux-ci n’ont même pas aboyé pour prévenir leur maître. Peut-être, un proche de son entourage, comme son fidèle ami de Bocognano (en cette fin de mois, Romanetti avait dans sa poche la paie de tous les bergers qui travaillaient pour la firme Roquefort) ; mais certainement pas les gendarmes, malgré ce que raconteront les journaux locaux du lendemain !… Sauf le Petit Journal et le Figaro qui s’interrogent.

 

A l’apogée de la gloire, la vie de Nonce Romanetti s’achève brutalement. Comment pouvait-il en être autrement après 15 années passées dans un maquis doré ?.  Dans l’après midi du 26 avril 1926, plus de 5000 personnes suivront le cortège de ses funérailles jusqu’à sa dernière demeure dans la propriété familiale à l’entrée de Calcatoggio où il sera cependant enterré sans la bénédiction de l’église.

(*) Madeleine Mancini

Le 30 mars 1928, trois membres de la famille Mancini sont assassinés par une bande dirigée par le bandit Perfettini. Accusée d’être l’instigatrice du meurtre de son oncle et de ses deux cousins afin de venger la mort de Romanetti dont elle fut la maîtresse de 1917 à 1926, Madeleine Mancini (Mimi) sera condamnée sur fond d’accusations, de rétractions et de faux témoignages qui déchaînent les passions, le 27 février 1929 aux travaux forcés à perpétuité.

Défendue par ses deux avocats, Henry Torrès et Louis Vaunois qui s’attacheront à démontrer son innocence, son procès sera finalement révisé. Elle sera graciée et quittera enfin libre la maison centrale de Rennes après 9 années de détention.

 

La grâce de MadeleineMancini (source Gallica).

« Après avoir foncièrement étudié le dossier de l’affaire Mancini, les présidents Poincaré et Painlevé, ayant établi leur conviction de l’innocence de la condamnée, ont écrit à M. le garde des sceaux pour apporter leur appui à la demande de grâce déposée par dix membres de la famille de Madeleine Mancini. D’autres très hautes personnalités sont également intervenues, en connaissance de cause, auprès de la chancellerie. 

Maître Henry Torrès, au cours de la visite qu’il va faire à M. le Président de la République, pour exposer le cas de Madeleine Mancini, et où l’accompagneront Mme Jane Catulle-Mendès, Maître Louis Vaunois et M. Emile Kahn, secrétaire général de la Ligue des droits de l’homme, parlera en son nom personnel, et au nom du bâtonnier de Montera, maire adjoint de Bastia, et de M. Campiglia, maire adjoint d’Ajaccio, qui, depuis quatre ans et demi, défendent Madeleine Mancini avec un chaleureux et inlassable dévouement. »

 

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