COUTUMES ET CROYANCES CORSES Les métiers I Mistieri

Source : https://www.corsicamea.fr/coutumes/metiers.htm

 

Avant que la route du progrès n’arrive jusqu’aux villages retirés de nos montagnes, Les marchands ambulants qui exploitaient leurs marchandises à dos d’ânes ou de mulets étaient les éléments indispensables à la survie quotidienne de la vie communautaire.

C’est grâce à l’artigianu (l’artisan) que de nombreux villages ont acquis et cultivé leur renommée. La région la plus riche et la plus peuplée de Corse, la Castagniccia, était la plus représentative de ces petits métiers aujourd’hui disparus.

Orezza, village très peuplé et réputé pour ses eaux, comptait  de nombreux artisans; ses mulateri ‘les muletiers) étaient connus dans toute la région. On avait recours à eux pour le transport du bois, du charbon, du minerai de fer que l’on extrayait de la mine de Campana, etc… Ils faisaient également le bonheur des curistes.

Valle d’Orezza ne comptait pas moins d’une dizaine de pipaghji (fabricants de pipes).

C’est à Piazzole que l’on achetait à u sportaghju.(vannier) ses sporte (paniers) pour aller faire la récolte des châtaignes.

A Monaccia d’Orezza on était spécialisé dans la poterie (terrame).

C’est à Tarranu, et plus précisément au hameau de Bonicardu, que l’on trouvait l’armaghjolu (l’armurier) qui fabriquait la fameuse catana (du nom de son fabriquant) chez lequel Pascal Paoli se fournissait.

U bancalaru (le menuisier) était un artisan indispensable que l’on trouvait dans chaque commune; Des portes aux fenêtres, en passant par les escaliers, de la chaise au pétrin, de la cave au grenier, du berceau au cercueil, le menuisier donnait au châtaignier ses lettres de noblesse.

Un autre personnage jouait un rôle déterminant dans la société Corse: c’était u stazzonaru (le forgeron). Il fabriquait et réparait tous les outils nécessaires à l’agriculture, ferrait les chevaux, savait transformer une simple plaque de fer en chaudron, se transformait en vétérinaire pour soigner un animal malade, en dentiste pour arracher une dent, ou en médecin pour soigner certaines douleurs comme la sciatique.

Et puis, il y avait les marchands ambulants (i scatulaghji) qui créaient l’évènement, éveillaient la curiosité des villageois et faisaient la joie des enfants. Derrière leur pauvre mule chargée de ballots, avançant péniblement au pas rythmé de sa campana (clochette), on les entendaient arriver de loin et nous, les enfants, nous courrions à leur rencontre pour les escorter jusqu’au village où nous avions hâte de les voir déballer leur marchandise. C’était tour à tour :

U bancarrotu, auquel les femmes apportaient un intérêt particulier pour ses produits de mercerie, ses étoffes et ses tissus aux couleurs bariolées.

L‘arrutinu, qui savait rendre les lames des couteaux, faux et ciseaux plus coupantes que celles d’un rasoir.

U tragulinu, qui transportait dans ses sacs de la nourriture mais aussi  une multitude d’objets qu’il ventait avec un tel bagou que les gens du village se laissaient toujours avoir.

U carritteru, venant de la ville, parcourait les villages avec son chargement de meubles, d’ustensiles et d’autres objets hétéroclites pour aller livrer les commerçants. Tous les habitants du village se pressaient autour de sa carriole pour s’informer des dernières nouvelles (On ne lisait pas les journaux en ce temps là). A la tombée de la nuit, il y avait toujours une famille pour lui offrir l’hospitalité. Le lendemain matin de bonne heure il reprenait sa route.

Dans la région où l’arbre à pain procurait au paysan sa nourriture essentielle, il était normal d’y trouver au moins un moulin par commune.

U mulinaghju (le meunier), régnait en maître sur son moulin à eau. Tous les habitants du village venaient lui apporter leurs châtaignes à moudre. Je me souviens de celui d’Orezza, dont l’immense roue emportée par l’eau du torrent, tournait sans discontinuer dès l’aube au soir très tard. Aujourd’hui en ruine, il a pratiquement disparu sous une épaisse végétation.

Citons encore le tisserand pour la toile de lin, les drap et les peloni dont les fabriques les plus renommées sont Corte, le Niolo, Venaco, Bocognano, Sisco.

La poterie dans les villages de Campile et de Canavaggia.

Mais la plus considérable de toutes les industrie, c’est l’exploitation des grandes carrières de marbre: Corte (au bord de la Restonica), Serraggio, San-Gavinu di Venacu, Castifao, Oletta, Saint-Florent.

On exploite aussi les mines de cuivre: (Linguizzetta, Erone, Castifao, Ponte-Leccia), les mines d’Antimoine: (Ersa, Meria, Luri), les mines de fer: Toga, Solenzara).

Bien d’autres petits métiers, en grand nombre en ce temps là, ont été emportés par le progrès. Le barbier (u barbieru ), le charretier (u fascinaghjulu), le bottier (u scarparu), le tailleur (u sartore), le charbonnier (u carbunaru), le chaudronnier (u paghjulaghju), le réparateur de parapluies (u paraquaghju), etc…

Le temps des rameaux de lentisque accrochés au dessus de la porte des cantines (les restaurants n’existaient pas encore) pour indiquer que l’on venait de se réapprovisionner en vin, était désormais révolu.

Les marchands ambulants ont cessé lentement d’exister en abandonnant sur la route d’un « infernal » progrès leurs grelots et leurs carrioles fatiguées. Aujourd’hui, seul le boulanger et le facteur parcourent encore les quelques villages habités de cette Castagniccia, autrefois si glorieuse.

Laisser un commentaire