CHRONIQUES DU TEMPS PASSE LA CORSE ET SES DRAMES

Source : https://www.corsicamea.fr/chroniques/chroniques.htm

 

Le 17 Avril 1887, le grand steamer « Tasmania », de la célèbre compagnie anglaise « Peninsular and Oriental Line« , fait route sur Marseille après avoir doublé le phare du Pertusato au sud-est de la côte, lorsque, à 4h04, l’homme de veille hurle dans la nuit : « Brisants droit devant« , trois mots redoutés entre tous des marins.

Le beau vapeur de 122m va se jeter contre les récifs de Monaccia en dépit de manœuvres désespérés. Une nuit de tempête, au large de Roccapina, sur la côte sud-ouest de la Corse, les rochers des Moines sont le théâtre d’un terrible naufrage. Il est presque 4 heures du matin ce 17 avril 1887, lorsqu’un vapeur, ou steamer puisqu’il est anglais, se brise sur ces dangereux récifs. Il s’appelle « Tasmania », en référence au territoire australien qui porte ce nom depuis 1856.

Le navire est parti de Bombay le 1er avril avec à son bord 166 hommes d’équipage et 144 passagers, dont plusieurs sont attendus à Londres pour les cérémonies du Jubilé d’or du règne de la reine Victoria. Il est 3 h 40 quand les voyageurs sont tirés brutalement de leur sommeil par le choc. L’avant du bateau est éventré et retenu par les rochers. Tout le monde se précipite à l’arrière. L’ordre est donné par le capitaine de faire monter les gens dans les canots de sauvetage à disposition.

Sur huit chaloupes, il n’en reste que quatre en état de naviguer. Ce sont les «femmes et les enfants d’abord» qui embarquent. Deux dames refusent ce privilège, désirant partager le sort de leur mari. Chacun comprend que l’état de la mer rendra impossible le retour des canots. On ne sait même pas s’ils toucheront indemnes le rivage, éloigné de deux milles marins.

Le temps presse. Il faut évacuer l’épave au plus vite. L’équipage construit à la hâte deux radeaux dont l’un est presque immédiatement emporté par une lame. Un aristocrate anglais, le comte de Buckinghamshire, que la vague a précipité dans les flots, est sauvé in extremis. Un Indien n’a pas la même chance. Quant aux neuf chauffeurs africains qui se sont emparés du second radeau, un seul arrivera vivant sur la terre ferme. Il ne reste plus aux occupants du « Tasmania » qu’à attendre à bord la fin de la tempête et la venue des secours. Ils sont 75 entassés à l’arrière du bateau, dans une pièce dont la surface ne dépasse pas vingt-cinq mètres carrés. C’est le fumoir. L’attente est longue et très angoissante, car des craquements sinistres font croire à tout moment que le bâtiment va se disloquer entièrement. L’eau pénètre par les hublots brisés.

Pendant ce temps, le capitaine a la mauvaise idée d’aller chercher ses papiers dans une autre partie du navire et n’en revient pas vivant. Deux de ses collaborateurs, qui ont tenté de le sauver, meurent noyés eux aussi. Le froid de l’air et de l’eau rend le séjour dans le fumoir très pénible, mais ceux qui s’y tiennent survivront. Tel n’est pas le cas des hommes restés sur le pont, que l’on retrouvera enlacés les uns aux autres, si raides qu’il sera difficile de séparer leurs cadavres.

Au terme d’une attente de plusieurs dizaines d’heures, les survivants sont conduits à bord de deux bateaux, le « Persévérant » et le « Norseman ». On dénombre 33 victimes, toutes membres de l’équipage, parmi lesquelles le capitaine et deux de ses adjoints. Les 144 passagers sont sains et saufs, mais leurs biens ont disparu dans la catastrophe. Le maharaja de Jodhpur, qui se rendait au jubilé de la reine Victoria, voyageait avec six cassettes remplies de joyaux. Quelques-uns des trésors du « Tasmania » seront retrouvés par les plongeurs envoyés à leur recherche quelques semaines après le naufrage. Certains objets de moindre valeur sont restés en souvenir dans les maisons des habitants du littoral qui avaient accueilli les naufragés.

Par Benjamin CHAIX Le 23/01/2016

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