Source : https://www.corsicamea.fr/personnages/boswell.htm
Boswell est un avocat et écrivain Ecossais.
Il a 25 ans lorsqu’il entreprend un voyage à travers l’Europe où il rencontre notamment Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. Ce dernier lui remettra une lettre de recommandation pour Pascal Paoli.
Parti de Livourne le 11 octobre 1765, Boswell débarque en Corse, dans le petit port de Centuri, le 12 et part à la recherche de Paoli jusqu’à Sollacaro où il arrive le 22 octobre; Malgré un premier contact assez froid (Paoli qui se savait menacé, le soupçonnait d’être un espion) les deux hommes finiront par s’apprécier et se lieront d’une amitié fidèle qui sera le soutien principal de Paoli pendant son exil Londonien de 1769 à 1790.
Après avoir passé une huitaine de jours aux côtés du Général, Boswell repartira pour Corte le 29 octobre.
Il passera ensuite par Morosaglia et Vescovato avant de parvenir à Bastia le 9 ou le 10 novembre. Muni d’une lettre de recommandation de Paoli pour le commandant Marbeuf, il sera l’hôte de ce dernier pendant plusieurs jours. Il quittera la Corse le 20 novembre.
Durant tout le temps qu’aura duré son séjour, il aura été étroitement surveillé par la république de Gênes qui le soupçonne d’être un agent politique au service de l’Angleterre.
Admiratif devant la tentative d’organisation d’un État démocratique dans l’île et de la volonté de s’affranchir de toute tutelle étrangère, il se fera l’ambassadeur de la cause corse auprès de l’Europe des lumières en publiant en 1768 son célèbre An Account of Corsica, qui sera traduit en plusieurs langues et qui remportera un éclatant succès.
Dans son livre, The Journal of a Tour to that Island and Memoirs of Pascal Paoli, Boswell relate son voyage dans l’île, les moeurs de ses habitants, sa rencontre avec Paoli dont il deviendra le porte parole.
Subjugué par la beauté sauvage du pays qu’il parcourt à dos de mulet et fortement impressionné par l’aura du Babbù Boswell a écrit : « Je crus trouver en Corse ce que personne n’allait voir, et ce que je ne trouverais en aucun autre endroit au monde ; un peuple combattant actuellement pour sa liberté, et s’élevant par ses propres forces d’un état de bassesse et d’oppression à celui du bien-être et de l’indépendance ».
« Je voyais en Paoli mes idées les plus grandes se réaliser; il m’était impossible, quelles que fussent mes spéculations, d’avoir en le voyant une idée médiocre de la nature humaine ».
Lorsque la France envahit l’intérieur de l’île, Boswell ouvrit une souscription et utilisa les sommes ainsi acquises pour procurer aux patriotes corses les moyens financiers de faire la guerre. D’Ecosse partira en décembre 1768 un navire chargé d’armes et de munitions.
Mais le destin d’une île où, dit-il, « j’avait grimpé sur un rocher et plongé en plein milieu de la vie. » était désormais scellé.
Dans son Journal d’un voyage dans l’îsle de Corse (Relation de l’Isle de Corse) Boswell écrit :
« J’adopterai pour cet ouvrage la simple et belle inscription qui se trouve sur la façade du palais Tolomei, à Sienne : Quod potui teci; faciant meliora potentes. « J’ai fait ce que j’ai pu; que d’autres fassent mieux » …
On a publié, depuis peu, tant de la part des Corses, que de celle des Génois, un grand nombre d’écrits, où leurs auteurs se sont donné beaucoup de peine pour réfuter les hypothèses les uns des autres, à l’égard des divers faits anciens de l’Histoire de Corse.
En effet le champ est vaste pour tous les partis, et ces tems sont si ténébreux, que chaque écrivain a la facilité de supposer des événements à sa fantaisie; tout comme dans une nuit obscure, plusieurs personnes peuvent assurer avec la même hardiesse et la même apparence de raison, qu’elles voient des objets entièrement différents.
Que la Corse ait eu pour maîtres les Phéniciens, les Étrusques, les Carthaginois, les Romains, les Goths, les Sarrasins; qu’elle soit passée ensuite, à titre de conquête ou de donation, sous la domination de la France, du Pape, des Pisans et enfin des Génois ; malgré cela il en faut toujours revenir à ce principe fondamental que les Corses sont des hommes, qu’ils ont un droit à la liberté, et que si quelque puissance que ce soit vient à l’usurper, ils sont en tous tems fondés à réclamer contre elle.
Les Génois ne songèrent qu’à assouvir leur ressentiment contre les malheureux Corses ; et toujours inquiets sur les desseins généreux de cette nation, ils redoublèrent leur tyrannie, dont ils se firent une espèce de système
En parlant des abus de la justice de Gênes, Montesquieu, avec cette grave dignité qui convient à un si grand maître, s’exprime en ces termes : « Une république d’Italie tenait des insulaires sous son obéissance ; mais son droit politique et civil à leur égard était vicieux. On se souvient de cet acte d’amnistie, qui porte qu’on ne les condamnerait plus à des peines afflictives sur la conscience informée (ex informata conscientia) du Gouverneur.
On a vu souvent des peuples demander des privilèges ; ici le souverain accorde le droit de toutes les nations. »
Durant cette oppression, rien n’était plus commun que de voir condamner aux galères une infinité de gens pour les fautes les plus légères, uniquement dans la vue d’en tirer une rançon considérable; en un mot, à peine pourrait-on imaginer une barbarie plus grande que celle que souffraient ces insulaires…
Les Corses parlent un fort bon italien, mêlé de quelques restes des dialectes des nations barbaresques et d’un petit nombre de mots corrompus des Génois ; quoiqu’en général leur langage soit beaucoup plus pur que dans aucun des Etats de l’Italie. Leur prononciation est cependant un peu rude. Mais ils écrivent l’italien à un grand degré de perfection, comme on peut s’en convaincre par leurs manifestes, et autres pièces publiques.
Ces peuples ont généralement beaucoup de dispositions pour les arts. A la vérité je ne saurais dire que la Peinture ait fait jusqu’ici des progrès remarquables parmi eux; mais ils réussissent bien dans la Musique et la Poésie…
On ne saurait nier que ces peuples ne soient agités par de violentes passions. La force et la vigueur d’esprit qu’on leur reconnaît de même, sont les principes qui forment les hommes bons ou méchants à un degré supérieur. J’aime ces caractères où il « y a de l’étoffe », me disait un jour M. Rousseau; un jour que nous nous entretenions, au Val-de-Travers, sur ceux de différentes nations! C’était bien dit : un esprit faible et languissant n’est point en état de soutenir le poids des grandes vertus. Ce n’est que de la fermeté et de la vivacité qu’on doit attendre des caractères d’un rare mérite.
Ces insulaires sont propres à tout. Mais leur destinée n’a laissé voir en eux qu’un naturel féroce et intraitable. Ce qu’ils ont eu occasion de montrer, ils l’ont toujours fait avec distinction…
Les Corses, disent les auteurs de l’Encyclopédie, sont remuants, vindicatifs et belliqueux.
Leurs efforts contre la tyrannie ne pouvaient les faire paraître sous un autre aspect.
Montesquieu les caractérise ainsi : « Les Corses sont une poignée d’hommes aussi braves et aussi délibérés que les Anglais. On ne les domptera, je crois, que par la prudence et la bonté. On peut voir, par leur exemple, quel courage et quelle vertu donne aux hommes l’amour de la liberté, et qu’il est dangereux et injuste de l’opprimer ».
Leurs mœurs ont beaucoup de rapport à celles des anciens Germains.
On peu dire de la Corse ce que Tacite rapporte de l’ancienne Germanie: « Nemo illic vitia ridet; nec corrumpere et corrumpi fœculum vocatur. » (Personne n’y rit au vice, et la corruption n’y est point à la mode.) Les Corses, comme les anciens Germains, sont extrêmement paresseux. Les femmes font la plus grande partie des travaux pénibles ; ce qui est aussi la coutume parmi les montagnards écossais.
Cependant ces insulaires sont très actifs en guerre, de même que les Germains dont Tacite dit que « par une merveilleuse diversité de la nature, les mêmes hommes sont à la fois amis de l’oisiveté et ennemis du repos ». (Mira diversitate naturœ cum iidem homines sic ament inertiam et oderint quietem).
Malgré tout ce qu’a fait Paoli pour exciter ses compatriotes au travail, il n’a pu encore vaincre entièrement leur répugnance à cet égard; et chaque année l’on emploie dans l’île 800 à 1,000 Sardes et Lucquois, comme artisans et laboureurs.
- de Montesquieu observe que toutes les nations paresseuses sont aussi orgueilleuses ; ce qui est le cas des Corses, à quoi leurs succès dans la guerre n’ont pas peu contribué, comme je l’ai remarqué ailleurs. Il propose un très bon remède pour ce mal.
« On pourrait, dit-il, tourner l’effet contre la cause et détruire la paresse par l’orgueil. Dans le Midi de l’Europe, où les peuples sont si fort frappés par le point d’honneur, il serait bon de donner des prix aux laboureurs qui auraient porté le plus loin leur industrie. Cette pratique a réussi de nos jours en Irlande ; elle y a établi une des plus importantes manufactures de toile qui soient en Europe».
Les Corses aiment fort à s’asseoir autour d’un feu, coutume qui semble être particulière aux nations agrestes. On la trouve établie chez les Indiens de l’Amérique septentrionale, et les anciens Germains « passaient toute la journée auprès du feu ».
Il y a eu anciennement diverses coutumes fort étranges en Corse… Il en subsiste encore quelques-unes fort bizarres, surtout les cérémonies qu’ils observent aux funérailles de leurs parents…