LE VRAI VISAGE DU REGICIDE FIESCHI
Source : http://accademiacorsa.org/?page_id=211
L’attentat perpétré, le 28 juillet 1835, à l’aide de la machine infernale composée de 24 fusils, lors du passage du cortège royal au boulevard du Temple à PARIS qui fit 19 tués, 23 blessés et dont le Roi LOUIS PHILIPPE sortit indemne déclencha une telle campagne de haine contre les Corses que son auteur sera présenté sous les pires aspects dans les divers ouvrages traitant de l’Histoire de Corse, au seul gré des orientations idéologiques ou de la fantaisie des auteurs sans aucun souci de rechercher sa personnalité réelle.
Pour l’Abbé GALLETTI qui écrit son Histoire de la Corse en 1863 :
« La Corse était dans l’attente d’un heureux avenir, lorsqu’un fâcheux incident vînt y jeter la consternation. Un certain FIESCHI, rejeton d’une famille génoise, qui habitait Bastia et que la Justice avait flétri en 1816, en le condamnant à 10 ans de réclusion pour vol et faux en écriture, se fit le principal auteur d’un odieux attentat contre la vie du Roi LOUIS PHILIPPE.
Quelle clameur alors contre la Corse! Quels anathèmes contre tous les habitants de cette île!!
Pour en finir avec certains bavards journalistes, il fallut que quelques corses énergiques, demeurant à Paris les invitassent à se voir en face ».
Dom Jean-Baptiste GAÏ :
« L’attentat de FIESCHI attira l’attention sur île dont cet anarchiste était originaire ». (La tragique histoire des Corses)
René SEDILLOT :
« Il est né dans les montagnes au sud de Bastia à Murato où il a gardé les chèvres.
Il a servi à Naples dans l’armée de MURAT qu’il a deux fois trahi : une première fois, il a livré aux autrichiens ce qu’il savait des plans du Roi de Naples ; une seconde fois après l’avoir rejoint en Corse, il a participé à son expédition de reconquête, précédé son débarquement en Calabre et dénoncé sa présence.
De retour en Corse, il a volé une vache, fait de fausses signatures, subi une peine de prison, erré dans le midi de la France puis résolu de se signaler à l’attention publique par un attentat hors série. Ce corse là n’est ni Bonapartiste, ni Républicain ; il a seulement la folie de la notoriété, le goût de la subversion » (La grande aventure des Corses – page 268).
Simon GRIMALDI :
« FIESCHI, l’auteur de l’attentat du 28 juillet à Paris est né en Corse dans la commune de Murato.
Dès l’âge de 14 ans, il fût employé au service du Roi JOACHIM de Naples qu’il suivit dans sa tragique expédition de Calabre.
Il revînt en France en 1816, purger à Embrun une condamnation pour vol aggravé de 10 années de prison.
En 1830, il est à Paris où alléguant que sa condamnation était de caractère politique, il milite, attaché à la rédaction d’un journal révolutionnaire » (La Corse et le Monde Tome III – page 272).
COLONNA DE CESARI-ROCCA et Louis VILLAT n’ont pas la curiosité de s’interroger sur la personnalité du régicide ; ils ne s’intéressent qu’aux conséquences de son acte notamment sur l’image des corses véhiculée par les médias continentaux.
Génois, anarchiste, traître, déséquilibré, militant révolutionnaire ou personnalité sans intérêt , tout ceci est faux
La vraie histoire de Joseph FIESCHI est pathétique, sa personnalité attachante et son destin digne de passionner les lecteurs corses.
Une jeunesse pauvre dans les montagnes du Nebbio :
Joseph FIESCHI est né le 3 décembre 1790 à Murato dans une famille de berger. Il a deux frères et une sœur.
Le nom de FIESCHI est, semble-t-il, celui de sa mère repris par la famille comme cela était fréquent en Corse, son père Louis aurait porté le nom de GUELFI et le surnom de PETUSSERO.
Sa jeunesse se déroule à Murato et n’est pas exempte de drames familiaux :
Sa mère meurt alors qu’il est encore enfant .
Son père est arrêté et condamné le 30 termidor An XII (1804), pour le vol de 8 jambons, à 6 ans de détention et à l’exposition sur la place de la Ville de Bastia. Il est présenté comme faisant partie d’une bande de voleurs et meurt en prison le 8 mars 1808 à Embrun ( froide bourgade du Département des hautes alpes située entre Gap et Briançon).
Son frère aîné Thomas trouve la mort en combattant au sein de la grande armée.
Ce jeune corse, sans fortune et sans grand avenir va s’engager à 18 ans dans les troupes qui combattent dans le Royaume de Naples pour Joseph Bonaparte contre les Bourbons et leurs partisans.
Une carrière militaire prometteuse
Après avoir participé au siège de Gaete et aux dures campagnes de Sicile et de Calabre, il est appelé à combattre en Russie dans le régiment du Colonel Franceschetti.
L’Armée a été, pour ce berger illettré, l’occasion de s’instruire et de faire la preuve de son courage et ses aptitudes.
Il a appris à lire et à écrire puis a obtenu le grade de Sergent pendant la campagne de Russie ; il a 23 ans.
Il se distingue notamment à la bataille de Polotsk.
Prenant la place de son officier tué, FIESCHI à la tête d’une cinquantaine de soldats continue de combattre malgré ses blessures jusqu’à la victoire en mettant en déroute 90 cosaques dont 22 furent ramenés prisonniers.
Sa bravoure lui vaut d’être remarquée par l’aide de camp du Maréchal SOULT, le Comte Gustave de Damas et d’être décoré de La Croix.
De retour à Naples en 1813, au service du Roi Joachim MURAT, dont il devient un homme de confiance, il est remarqué par son hardiesse d’exécution dans les missions les plus difficiles et secrètes.
Il est décoré le 26 avril 1814 de l’Ordre Royal des deux Siciles.
Une vie brisée:
Alors qu’il a 25 ans, le monde de Joseph FIESCHI s’écroule avec la chute de l’Empire.
Le destin de ce jeune homme aurait pu être brillant, voir glorieux.
La défaite de Waterloo marquera le début de sa descente aux enfers.
Dans un premier temps, FIESCHI qui a été congédié avec l’ensemble du troisième bataillon de chasseurs corses, retourne en Corse.
Il y cache le Comte Gustave de DAMAS en fuite, puis participe avec le Général FRANCESCHETTI à l’accueil du Roi MURAT en Corse et à sa préparation de l’expédition de Calabre.
Le 28 septembre 1815, il fait partie des 200 officiers et sous-officiers qui font voiles avec MURAT dans l’espoir chimérique de rétablir le Roi Joachim sur son trône de Naples.
Sur les côtes de Calabre le Roi et ses hommes sont rapidement vaincus ; FIESCHI est fait prisonnier et condamné à mort.
Mais alors que MURAT est exécuté le 13 octobre à Pizzo, FIESCHI est, comme les autres militaires français, livré au Roi de France et jugé par la Cour de Draguignan.
Acquitté, il regagne la Corse.
FIESCHI se retrouve sans ressource et sans chef, dans une Corse dominée par ceux que le pouvoir impérial avait pourchassé.
Les Corses qui avaient combattu la Révolution française et surtout, ceux qui avaient choisi de suivre PAOLI et le Royaume Anglo-Corse s’étaient retrouvés exilés, condamnés, parfois exécutés par ceux qui avaient pris, avec SALICETI le parti de la Révolution puis de l’Empire.
N’oublions pas que les troupes engagées dans la répression menée par le Général MORAND étaient composées en grande partie de bataillons corses et que l’adhésion des Corses à Bonaparte n’était nullement unanime, bien au contraire.
Le souvenir de la CROCETTA et des autres révoltes durement réprimées étaient encore présents dans les mémoires.
En 1815, FIESCHI en Corse n’était pas un soldat couvert de gloire mais un proscrit sans ressource dans un environnement politique hostile.
Une querelle d’héritage
Pour avoir suffisamment d’argent pour rejoindre la France, FIESCHI réclame à sa sœur et à son beau-frère la part de son héritage paternel qu’il estimait lui-même à la valeur d’une vache.
Comme souvent en Corse, même pour des patrimoines limités, les partages sont sources de crises familiales.
Sa sœur estimant que son père n’avait rien laissé, refuse de lui donner quoi que ce soit.
FIESCHI sûr de son bon droit, s’empare d’un bovin, contrefait un certificat de propriété à la Mairie et se rend au marché de Bastia pour le vendre.
Dénoncé, il est arrêté et inculpé devant la Cour d’Assises.
Il réussit à s’évader, tel un ancêtre de Spaggiari, en sautant de la fenêtre du Cabinet du Juge d’Instruction malgré les sept mètres de vide et disparaît dans les collines qui entourent Bastia.
Repris, il est condamné par les magistrats nouvellement nommés par le régime des Bourbons à 10 années de réclusion et à l’exposition sur la place publique, ainsi qu’à l’obligation de demeurer sa vie entière sur la surveillance de la haute Police. Il a 26 ans.
Nous pouvons sans conteste penser que la Cour criminelle, jugeant en Corse sans Juré, a prononcé cette peine très lourde en tenant compte de la personnalité de l’ancien condamné à mort de Naples, présenté comme un fanatique de l’Empereur honni.
Un prisonnier modèle:
L’ironie du destin conduira FIESCHI dans la prison centrale d’Embrun où était mort son père.
Il y est affecté à l’atelier de draperie.
Son sérieux, son intelligence et son sens du commandement, le font nommer rapidement contre-maître.
Il y dirige de nombreux corses réputés peu dociles à la grande satisfaction de l’administration pénitencière.
Il est ensuite nommé au poste de chef de cuisine à l’infirmerie et peut ainsi circuler librement dans une grande partie de la prison.
Il y fait la connaissance d’une détenue Laurence PETIT condamnée à cinq ans de réclusion pour complicité dans la banqueroute frauduleuse de son second mari négociant à Lyon.
Une relation amoureuse les unis, emprunte d’une grande affection.
FIESCHI est libéré en 1826. A cette époque les peines étaient lourdes et totalement exécutées.
Il est assigné à résidence et reste surveillé par la haute Police.
Un nouveau départ:
Profitant de ses connaissances dans le tissage et la draperie acquises en prison, il va pendant quatre ans exercer le métier de drapier.
Mais la Révolution de juillet 1830 remet en selle les anciens partisans de l’Empire.
Il retrouve à Lyon le Comte Gustave de DAMAS qui l’engage à se rendre à Paris, ce qu’il fait en septembre 1830.
Le nouveau Roi LOUIS PHILIPPE amnistiait et réhabilitait les anciens prisonniers politiques condamnés par les Bourbons.
Les anciens soldats de la Grande Armée tentent alors d’obtenir leur retour dans le service.
FIESCHI demande à être réintégré en bénéficiant de la Loi d’amnistie du 26 août 1830 qui effaçait toutes les peines prononcées pour des faits politiques.
Grâce à son passé glorieux et à l’appui du Général FRANCESCHETTI, il réclame le 11 octobre 1830 dans un pétition adressée au Ministre la Guerre le grade de sous-lieutenant dans le service actif et présente sa condamnation sous la Restauration comme une condamnation pour cause politique.
Il est ainsi incorporé au 61ème régiment d’infanterie de ligne mais uniquement comme sergent en 1831 en raison de son service dans le Royaume de Naples et non dans l’armée française.
Devant ses protestations, le Ministre l’affecte à la garde d’une maison de détention dans la 5ème compagnie de sous-officiers vétérans à Poissy.
Cette activité ne lui convient toujours pas car elle est peu rémunérée et il ne peut se livrer à ses activités de tisserand pour améliorer ses revenus.
Faisant de nouveau intervenir ses relations et notamment un ancien militaire corse devenu Huissier au Cabinet du Roi, il est nommé à la 3ème Compagnie des sous-officiers sédentaires à Paris.
Dans l’ensemble de ses dossiers, pour justifier de sa condamnation à titre politique, il prétend avoir été incarcéré à Embrun dans le cadre d’une participation à la conspiration de l’Avocat Jean-Paul DIDIER qui en 1816 souleva Grenoble aux cris de vive l’Empereur et qui fût condamné à mort.
Cette participation n’est bien sûr qu’une pure fiction.
Mais comment nier que FIESCHI a été le jouet d’un bouleversement politique qui le dépassait et qu’il méritait réparation, au même titre que ses anciens compagnons d’armes.
FIESCHI s’installe avec Laurence PETIT qui vient de perdre son mari au début de l’année 1830.
Ils seront concierges 7 rue Buffon. Cette situation leur permet d’être logés à proximité de la caserne du Jardin du Roi où est affectée la 3iéme Compagnie.
Pour l’instant, FIESCHI pense à améliorer sa situation personnelle et à faire vivre sa petite famille.
Il est aussi porteur rémunéré du Journal la Révolution, mais cela n’en fait pas un révolutionnaire. Ce journal mi-Bonapartiste, mi-Républicain militant pour » l’union des amis de la gloire et des amis de la liberté « .
FIESCHI n’a jamais été un militant politique, cependant il est de nouveau prêt à un engagement si un vrai chef le convainc de le suivre.
Un homme d’action :
Il rencontre dans le cadre de son emploi de concierge un ingénieur de ponts et chaussées, Monsieur CAUNES, qui va sur recommandation du Général Francheschetti le nommer gardien du Moulin de Croulebarbe, le 7 novembre 1931 ce que lui assurait une paie régulière et lui permettait de travailler à son métier à tisser.
Parallèlement, il est instructeur à la bâillonnette au gymnase militaire et jouit de l’estime de personnages importants en sa qualité d’ancien condamné politique.
Monsieur LAVOCAT, qui est une relation de CAUNES, prend contact avec lui. C’est un ancien sous-lieutenant de la Garde Impériale, impliqué sous la restauration dans de nombreux complots, condamné à mort et gracié qui est, depuis la Révolution de Juillet, Lieutenant Colonel de la Garde Nationale, Directeur de la manufacture Royale des Gobelins et Député des Ardennes.
LAVOCAT avait remarqué le courage de FIESCHI pendant l’épidémie de coléra de 1832. Dans ces circonstances difficiles, FIESCHI, négligeant tous les dangers, a fait preuve d’un dévouement extraordinaire pour son bienfaiteur CAUNES victime de l’épidémie.
LAVOCAT recommanda FIESCHI au Ministre de l’intérieur et lui confia des missions de confiance discrètes.
FIESCHI lui voua ce qu’il appellera lui même une « protection de corse ».
Il devait déclarer : « Il me faut un maître, voilà mon caractère cependant le mot de maître me déplaît, enfin il me faut un homme duquel je puisse dire c’est un ami entre quatre yeux ».
FIESCHI collabore aussi avec le Préfet de Police BAUDE sur recommandation du Comte de DAMAS.
Pendant l’instruction Monsieur BAUDE confirmera la grande valeur de FIESCHI dans certaines expéditions contre les opposants au régime.
FIESCHI prend visiblement plaisir à être de nouveau un homme dans l’action, cherchant des nouvelles au milieu des plus grands dangers, se tirant de situations périlleuses, rendant compte directement et confidentiellement au Préfet.
Malheureusement pour FIESCHI le Préfet BAUDE quittera rapidement la Capitale et ses successeurs n’employèrent pas ses talents.
FIESCHI qui est âgé de 42 ans parle avec enthousiasme de l’Empereur mais il ne fréquente les sociétés républicaines que pour donner des renseignements au Député LAVOCAT qu’il préviendra plusieurs fois de tentative d’assassinat à son égard.
FIESCHI assiste le Lieutenant Colonel de la Garde Nationale pendant trois ans dans ses opérations de maintien de l’ordre, participe à la répression des émeutes républicaines en reconnaissant les positions et le nombre des révoltés avec intelligence et intrépidité.
Un destin contraire :
FIESCHI qui ne se voit pas confié, après le départ du Préfet BAUDE, des activités conformes à ses capacités reste déçu de ne pas être reconnu à sa juste valeur.
Son ménage avec Laurence PETIT qui avait été heureux se dégrade et les scènes sont de plus en plus nombreuses.
Le couple vit avec la fille d’un premier lit de Laurence PETIT, Nina LASSAVE.
Alors que Laurence PETIT est de plus en plus absente du logement, FIESCHI devînt l’amant de Nina âgée d’une quinzaine d’année.
Cette situation peut choquer, mais on notera que le très bourgeois Monsieur THIERS après avoir été l’amant de Madame DOSNES n’hésita pas à épouser sa fille âgée de 15 ans sans d’ailleurs que, d’après les mémoires du DUC de BROGLIE, ses relations avec la mère eussent tout à fait cessé.
Lors de la procédure criminelle, la jeune Nina prétendra avoir été violée par FIESCHI pour justifier leur relation, mais l’attachement qu’elle aura pour lui jusqu’à son arrestation font douter ses révélations.
Miné par cette situation familiale pour le moins complexe et par son absence de reconnaissance sociale FIESCHI qui s’était mis à jouer dans les tripots du Palais Royal perdra le poste de chef d’atelier que lui avait confié l’ingénieur CAUNES pour la réfection de l’aqueduc d’Arcueil alors qu’il avait rempli sa tâche avec efficacité, en raison du détournement d’une somme destinée à la paie des ouvriers pour rembourser une dette de jeu.
FIESCHI perdra également son poste de gardien du Moulin de Croulebarbe car il abandonne souvent sa mission en confiant les clés à des voisins.
Les différentes enquêtes menées par l’Administration à la suite de ses manquements fit découvrir la falsification des certificats produits devant la commission des prisonniers politiques et une procédure criminelle fût engagée contre lui en 1834 pour escroquerie faux et usage de faux.
Cette procédure avait tout pour inquiéter FIESCHI puisqu’il avait été déjà condamné à 10 ans pour vol et faux en écriture et qu’il se trouvait donc être récidiviste.
FIESCHI était , à présent, sans aucune ressource et obligé de se cacher.
Ses relations avec Laurence PETIT sont définitivement rompues malgré ses tentatives de reprendre la vie commune.
A partir de l’année 1835, FIESCHI doit se battre quotidiennement sous des noms d’emprunt pour gagner de quoi manger, dormir et aider la jeune NINA en évitant d’être arrêté par la Police.
Le destin voulut que dans cette situation désespérée il ne trouve un secours qu’auprès de ceux qui projetaient un attentat contre LOUIS PHILIPPE.
Comploteur par désespoir :
FIESCHI qui avait participé activement à l’infiltration des réseaux Républicains pour le compte de la Préfecture de Police, n’a jamais agi en fonction d’idées politiques.
Quand les enquêteurs demanderont à Laurence PETIT qu’elles étaient les opinions politiques de FIESCHI, elle répondra que » celui n’en avait pas, mais que c’était un homme d’argent et voilà tout ».
Un témoin confirmera que FIESCHI lui avait affirmé que « peu lui importait le parti auquel il s’attacherait, qu’il s’agissait pour lui d’argent et que pour de l’argent il ferait tout ce qu’on voudrait ».
En vérité FIESCHI est un révolté non contre l’ordre établi mais contre sa propre situation et il est prêt à combattre avec acharnement pour celui qui voudra bien être son ami et l’aider à faire valoir ses talents.
Il traitait volontiers de lâches les Républicains et il disait qu’après l’Empereur il ne connaissait que Louis-Philippe en exprimant le désir de servir dans la Police politique mais il méprisait la politique et affirmait : « Si jamais vous avez des enfants, évitez qu’il s’occupe de politique, tâchez qu’ils n’aient point de fanatisme politique ».
Dans sa situation personnelle désespérée, il trouvera l’aide d’un militant républicain Pierre MOREY.
MOREY appartenait à la Société des droits de l’homme, organisation républicaine interdite à la fin de l’année 1833.
FIESCHI et lui avaient été voisins et avaient une passion commune, qui n’étonnera pas les Corses, les armes à feu.
Les deux amis s’entraînaient souvent au tir à la cible.
MOREY accepta par générosité d’abriter FIESCHI pendant deux mois.
C’est là qu’ils conçurent la machine infernale composée de plusieurs canons de fusil disposés de telle manière qu’un seul homme put les faire partir.
Les deux compères s’amusaient à faire des plans pour disposer un maximum de canons.
FIESCHI qui n’avait plus rien à perdre s’intéressa à l’action des comploteurs pour le plaisir de l’action.
Il participa ainsi aux réunions avec Théodore PEPIN, autre Républicain acharné que MOREY lui présenta avec d’autres complices issus pour la plupart de la Société des droits de l’homme.
FIESCHI se prit au jeu et mettra ses talents au service de ses nouveaux amis en les aidant à préparer l’attentat, mais le 28 juillet 1835, il regretta d’avoir engager sa parole avec ces Républicains et se souvînt qu’il restait le seul soutien de la jeune Nina.
Il était au pied du mur en s’étant mis en avant comme étant le plus apte à agir, car il s’était rendu compte que ces deux complices principaux n’avaient pas son courage et son abnégation ; il ne pouvait plus reculer.
Le 28 juillet 1835, FIESCHI allume la mèche de la machine infernale sans aucune conviction politique, uniquement parce qu’il va au bout de ses engagements sans faiblir, comme il se battrait pour la Grande Armée.
Combien de corses, au XIXème siècle comme au XXème siècle, ont fait partie de ces soldats perdus qui iront au bout de leurs engagements pour des causes qui n’étaient pas les leurs, en raison de la parole donnée !
L’attentat fait 19 morts et 23 blessés mais le Roi LOUIS PHILIPPE n’a qu’une légère éraflure au front.
La pauvre Nina ne vivait plus depuis la nouvelle de l’attentat et elle craignait maintenant d’être considérée comme complice de son amant.
Dès le 26 juillet, celui-ci lui avait recommandé de ne pas venir à Paris pendant les fêtes du cinquième anniversaire de la Révolution de juillet.
Mais poussée par une secrète inquiétude, elle l’avait rejoint le lendemain.
Après l’attentat, elle avait couru chez MOREY et quand celui-ci lui dit que FIESCHI était sans doute mort, elle éclate en sanglot.
FIESCHI qui avait réussi à s’enfuir fut arrêté à cause des blessures à la figure et à la main qu’avait causé l’éclatement des canons et qui le firent repérer.
A la première question qui lui fut posé sur ses mobiles, il répondit : « pour la gloire ».
Il prétendit s’appeler Girard et venir de Mende. Il indiqua aux enquêteurs, sans nul doute avec une grande sincérité : « Je suis très content de n’avoir pas tué le Roi, je serais fâché d’avoir réussi », mais refusa de donner le nom de ses complices, il précisa simplement : « Le Roi peut se tenir tranquille, ils y regarderont à deux fois, d’ailleurs ils ne retrouveront pas facilement un homme comme moi : les complices comme cela sont bien rares …. Je ne nommerai personne, c’est moi qui suis le coupable … si dans l’espoir de sauver ma vie je faisais des victimes dans mes amis, ce serait un crime plus horrible que celui que j’ai commis ».
La véritable identité de FIESCHI fût découverte quand l’Inspecteur des prisons de la Seine DUFRESNES le reconnut, car il l’avait rencontré quand il travaillait au service de CAUNES.
DUFRESNES demanda que LAVOCAT confirme son impression. Celui-ci n’eut aucun mal à reconnaître son ancien collaborateur.
FIESCHI continua pendant 42 jours à dissimuler les noms de ses complices en s’accusant seul, il répétait : « Je leur ai donné ma parole, je leur avais des obligations depuis que j’étais poursuivi et le rang d’un homme n’est pour moi d’aucune considération quand il s’agit de tenir une parole donnée ».
Après l’arrestation de MOREY et de ses amis, FIESCHI libéra sa conscience et dit toute la vérité aux enquêteurs sur les circonstances de l’attentat.
Condamné à mort pour régicide, Joseph FIESCHI fût exécuté le 19 février 1836 à 8 heures du matin.
Sur le chemin de l’exécution FIESCHI rencontra le Colonel POSAC commandant du Palais qui lui adressa cette ultime exhortation : « FIESCHI souviens-toi de Dieu et du soldat de GAETE ».
Le vieux soldat s’était souvenu qu’au Royaume de Naples, un jeune homme courageux souriait au destin.
Devant l’échafaud FIESCHI demanda pardon à Dieu et aux hommes en disant regretter ses victimes plus de sa vie.
Quelles que soient ses erreurs, un tel homme ne méritait pas l’opprobre et le mépris d’historiens de la Corse peu curieux et comme bien souvent conformistes.
Jean-Pierre POLI
Pour l’ACCADEMIA CORSA
Le 21 décembre 2000
Source bibliographique principale :
Laurent LOUESSARD – L’ÉPOPÉE DES RÉGICIDES
Editions Soupir et L’insomniaque – Mai 2000